Train, chevaux, cuisine et romance ?

De la nourriture, des dessins épurés, un slow burn : on a tous les ingrédients qui font le succès des titres de Natsume Ono alias Basso ici que je suis ravie de retrouver après l’avoir perdue de vue il y a plus d’une dizaine d’année.

Avec Ristorante Paradisio et Gente, l’autrice m’avait charmée par sa science subtile du tranche de vie chez Kana à l’époque. J’avais en revanche été moins réception à sa fresque historique Goyo, mais je ne serais pas contre la retenter, ayant mûri, sauf que l’éditeur a perdu les droits V.V Quel bonheur donc de la retrouver et cette fois avec la branche Boys Love de sa production. On me souffle aussi dans l’oreillette que sa saga de politique fiction ACCA 13 devrait prochainement arriver chez nous. Je suis curieuse !

Basso cependant c’est un style et ça ne plaira pas à tout le monde. Je suis fan pour ma part de sa manière si simple et épurée de peindre ses personnages qui ont tous des gueules très particulières difficiles à décrire avec leurs yeux enfoncés qui nous transpercent et leur grand nez. Je sais que cela a rebuté et que cela rebutera plus d’un lecteur alors que je trouve ça terriblement dommage. Car comme Shinya Shima dans Lost Lad London elle a vraiment sa patte et sait offrir des compositions qui semblent toutes simples et banales mais qui ont un impact fou grâce à un découpage subtile et une belle utilisation des noirs.

Les amateurs de romances et de titres de société devraient vraiment se pencher sur A vos côtés, récit d’un jeune homme réalisant qu’il est homosexuel après avoir rencontré un autre homme lors de trajets de train qu’il n’arrive pas à se sortir de la tête. A travers ces deux hommes que le destin a mis sur le chemin l’un de l’autre, c’est le récit doux et fragile d’êtres terriblement actuels qui questionnent sur la notion de bonheur. Le bonheur est-ce de travailler ou de profiter de sa passion ? Le bonheur est-ce inné ou est-ce que ça se cultive ? Laissez-vous bercer par ce doux tranche de vie pour le découvrir.

Le ton est assez languide et doux. L’ambiance totalement placide et banale. Et pourtant, il se passe quelque chose. On est touché par la mélancolie de Tôru qui est passionné de chevaux et va régulièrement les prendre en photos lors de courses hippiques. L’autrice est pleine de douceur pour décrire le quotidien de ce jeune actif qui ne s’épanouit pas particulièrement dans son travail, mais fait le job, et économise pour pouvoir partir de chez ses parents et poursuivre sa passion. Sa jeunesse, sa maladresse, sa fragilité sont touchantes et c’est encore plus le cas quand il dévoile ses interrogations intimes avec naturel, sans chichi, à son ami et collègue. J’ai été touchée par ce jeune qui se cherche.

Face à lui, l’apathie de Makoto, qu’il croise régulièrement dans le train, fut émouvante également. Portrait type du salaryman japonais épuisé qui s’endort partout, aime boire de la bière et traîner avec des hôtesses, il aurait pu être détestable s’il n’avait pas été aussi doux. Malgré la différence d’âge, il écoute et se prend d’intérêt pour Tôru et sa passion. Une belle amitié va naître entre eux et grâce à cela, il va enfin trouver quelqu’un pour l’écouter et pleurer pour lui, car ce n’est pas facile tous les jours dans son travail avec son patron qui le prend pour un punching-ball.

Entre discussions dans le train, échanges autour d’un verre et d’un bon petit plat de resto simple, rendez-vous sur les champs hippiques, quelque chose de très beau, de très simple et émouvant naît entre eux qui m’a totalement emportée. J’ai adoré la lenteur du récit, sa finesse et sa justesse. L’émotion que l’autrice met dans ces portraits d’hommes de tous les jours m’a chamboulée. J’aime recevoir ce genre de surprise quand je lis un titre qui semble être passe-partout et qui se révèle d’une puissance folle dans sa banalité. Quand une autrice parvient à transcender ce genre d’histoire, je me dis qu’on tient quelque chose de rare, et c’est pour cela que j’aimerais voir Basso/Natsume Ono revenir sur les étagères de nos librairies !