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Critique de Moto Hagio - Anthologie #2

par Tampopo24 le mar. 30 janv. 2024 Staff

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Chef d'oeuvre d'humanité

Alors que le volume est plus fin et que les histoires sont moins tapes à l'oeil, le voilà le Chef d'oeuvre de Moto Hagio. C'est dans l'humanité que s'accomplie cette immense autrice.

Avec cependant un travail éditorial à nouveau à minima, sans la moindre page couleur ou bichromique cette fois et avec une préface encore une fois identique à celle de la première édition datant d'il y a 10 ans.... on retrouve quand même des histoires d'une rare puissance qui méritent, qu'il faut !, découvrir.

Avec des thèmes encore plus riches, plus sombres et plus complexes que dans Rêverie, l'autrice touche ici à notre intimité dans ce qu'elle a de plus dérangeante. Elle interroge ainsi sur la maternité, sur l'amour filial, sur la dépression et le suicide, ou encore sur la violence du temps de la guerre. C'est vraiment rude et âpre.

Dans des histoires s'étalant des années 70 à 90, on voit également l'évolution et les marqueurs graphiques de cette grande autrice qui la démarque. Un trait unique. Des compositions d'une rare vivacité où l'autrice montre qu'elle est l'une des rares à avoir compris à ce point l'importance du mouvement et qui sait comment le retranscrire sans tenir compte des pages. Des ambiances dramatiques également que les histoires soient fantastiques, futuristes ou profondément ancrées dans notre histoire. C'est une génie de la narration graphique et son impact est grand sur les lecteurs.

Lors de son séjour récent à Angoulême, elle a parlé de son relation complexe à sa mère et de la façon dont elle a évacué celle-ci dans notre de ses oeuvres. La Princesse Iguane en est le meilleur exemple et c'est avec ce titre fort que s'ouvre le recueil. Comment ne pas être frappé par le récit puissant de ce rejet de la maternité, de cette dépression post-partum si souvent évacuée et cachée ? L'autrice met les pieds dans le plat et évoque avec justesse les relations parents-enfants qui parfois ne se font pas. Bouleversant. 

Mais les autres histoires ne sont pas en reste. Celle de Mon côté ange, avec les soeurs siamoises est également frappant. Il peut décrire la relation vampirisante qu'ont certains membre d'une même fratrie et les ravages d'une relation toxique détestée mais adorée également. Je retrouve notamment ici le poids vécu au sein d'une famille par les aidants d'une personne handicapée, qui sont totalement happés par elle, lui donnent tout, en souffrent, mais ne peuvent s'empêcher de l'aimer. Cela a trouvé un grand écho en moi.

Le Pensionnat de novembre est également un texte fondateur. Comme dans le précédent volume où nous avions une préquelle du Clan de Poe, voici celle du Coeur de Thomas, que je dois impérativement relire. On retrouve ici un superbe texte avec un internat pour garçons en décor, avec tout ce que cela implique de drame, de brimade, de secret, le tout dans une ambiance étrange et dépressive comme on connaît et aime. A nouveau une très belle incursion dans le monde des futurs premiers Boys Love. 

L'autrice est tout aussi puissante dans les récits dans un décor historique comme le démontre avec force émotion Le coquetier, qui se déroule dans le Paris occupé de la 2nde Guerre. L'autrice ose, et il le fallait, parler antisémitisme, collaboration, prostitution et même prostitution infantile, le tout dans un cadre très sombre fait de meurtres et autres violences inqualifiables. Cela fait vraiment trembler et en même temps, tout comme dans Pauvre maman qui le précède, il y a une grande beauté dans l'émotion de la relation mère-enfant / soeur-enfant de circonstance qui naît ici. La tragédie est le creuset de tellement d'humanité chez Moto Hagio. Je comprends tellement les liens qui sont faits entre elle et l'oeuvre de Cocteau. 

En bref

Anthologie peut-être encore plus complète pour découvrir l'autrice, chaque texte a su faire vibrer ma corde sensible et pas seulement pour la merveilleuse expérience visuelle que c'est, mais surtout pour ce que cela a trituré en mois. Ce volume porte définitivement très bien son titre "De l'humain", c'est la quintessence de ce que l'autrice peut faire dans ce domaine et on croise fort les doigts de pouvoir un jour découvrir ses autres textes et oeuvres dessus, notamment le très sombre Zankoku na kami ga shihai suru <3

10
Positif

La quintessence de l'autrice

De l'humanité rude, âpre et bouleversante

Une autrice aussi à l'aise dans le fantastique, le drame que l'Histoire

Des thèmes révolutionnaires pour l'époque : dépression post-partum, suicide, deuil, matricide, prostitution infantile, violence de guerre...

Des dessins encore somptueux qui sortent des cases pour entrer dans nos rétines

Negatif

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