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Critique de Cocon

par Tampopo24 le ven. 23 févr. 2024 Staff

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Quand la guerre se pare de poésie mais reste cruellement dévastatrice

Je dis souvent que les récits de guerre, ce n'est pas mon truc. Et pourtant, quand c'est écrit avec autant de force, de finesse et de poésie ici, je ne peux que réviser mon avis.

Les éditions IMHO porte à notre connaissance un oneshot qui pourrait sembler fragile et anecdotique mais qui révèle tout le traumatisme de cette guerre passé encore de nos jours sur les Japonais. Car c'est une oeuvre de commande que nous avons à l'origine, celle d'un tantô (responsable éditorial) originaire d'Okinawa qui a demandé à son jeune poulain de s'intéresser à ce contexte qui lui est si familier. Machiko Kyo, encore jeune mangaka alors malgré de jolis débuts d'abord sur son blog avec des mangas à la page, puis avec des oneshots traitant de sa jeunesse, décide de prendre le sujet à bras le corps, et elle le fait avec grande émotion.

Nous avons déjà un titre en France qui parle très bien de cette guerre dans les îles : Péliliu, et ici on retrouve un peu un petit quelque chose de la façon de faire de son auteur. A nouveau, l'autrice se sert de l'imaginaire pour évoquer et camoufler quand même un peu toute la violence de ce moment. Sa métaphore à elle : le cocon du ver à soie qui est cultivé sur l'île. Le groupe de collégiennes que nous suivons va ainsi tenter de survivre et se protéger en restant à l'intérieur de ce cocon et on comprend parce qu'il y aurait de quoi devenir fou rien qu'avec ce qui en filtre.

A l'aide de chapitres courts et toujours poignants et émouvants, Machiko Kyo, à l'aide des témoignages qu'elle a recueillis, nous plonge dans l'horreur de ce moment. Elle débute avec légèreté alors que les filles vont encore à l'école tandis que les bombardements ont à peine commencé, puis très vite nous plonge dans un quotidien bien plus brutal et sordide fait de chairs mutilées, d'esprits battant la campagne, de corps dépérissant et de toutes les violences de la guerre que vous pouvez imaginer. C'est brutal, c'est cru.

Nos héroïnes, bien courageuses, se retrouvent ballotées au milieu de tout ça. Elles trouvent ensemble des stratégies pour survivre aussi bien physiquement que psychiquement. Elles sont en plein coeur de l'horreur et l'autrice nous montre sans phare l'embrigadement psychologique qu'elles ont subi pour participer à cela par amour de l'Empereur. C'est terrible. On a mal pour elles en permanence. On a peur pour elles également et on est bouleversés par ce qui leur arrive tour à tour, à chacune. 

Il n'y a aucune fioriture ici. Le récit est sobre bien que porté par l'onirisme imaginé par l'autrice pour aider ses héroïnes à survivre à coup de cocons de protection et de déshumanisation des hommes en créatures blanches et sans visage pour parvenir à ne pas en avoir peur. Le dessin est d'ailleurs assez épuré, presque maladroit et enfantin. Il respire la jeunesse et offre un décalage qui apporte la lumière nécessaire pour supporter également toutes les horreurs qu'on voit, faites de chair et de sang. C'est l'âme humaine qui est capturée ici, dans sa manière d'essayer de s'échapper mais aussi parfois par la réalité qui la rattrape. Et c'est magnifique. 

Seule la fin, un peu trop rapide, un peu trop facile, un peu trop positive m'a dérangée. J'ai trouvé le dernier chapitre maladroit après ce qui avait été vécu. Je veux bien qu'il faille survivre mais après avoir été si fin dans la plongée psychologique de l'horreur de cette guerre, la relève est trop brutale pour sonner juste à mes yeux, même si je vois bien que notre héroïne n'oubliera jamais.

En bref

On m'avait prévenu que Cocon serait une lecture bouleversante, je ne m'imaginais pas, sous le trait enfantin de Machiko Kyo, que cela serait aussi cru, aussi puissant, aussi rude. L'autrice manie la poésie de l'imaginaire avec une superbe maîtrise pour nous plonger dans les affres de cette guerre vécue au plus près des jeunes habitantes d'Okinawa et c'est superbement, sombrement, réussi. Il faut lire ce genre d'oeuvre pour réaliser ce que c'était, ce qu'on a demandé à de jeunes personnes et imaginer le traumatisme que cette génération a subi puis caché profondément en elle. Il faut leur rendre hommage.

9
Positif

Une chute en enfer magistralement mise en scène entre brutalité et poésie

L'art de la métaphore au service de la santé mentale

Une groupe de filles courageuses poignant à suivre

Une plongée terrible dans la réalité de la guerre vue par des jeunes y ayant participé

Negatif

Une fin trop rapide, mal amenée, trop positive pour l'héroïne

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