Se venger de la mine

J’ai lu Le jour d’avant de Sorj Chalendon, deux fois, avec la même émotion la surprise en moins. C’est toujours difficile de lire l’adaptation d’une œuvre que l’on a beaucoup aimée mais quand même, c’est très tentant. Et puis, là, Sorj Chalendon a écrit la préface lui-même et la couverture donne envie, avec toutes ses couleurs pour dire un paysage minier si sombre et l’insouciance de Jojo et de son frère sur la mobylette.

Je trouve que le dessin de Simon Géliot est juste. J’aime sa façon de se rapprocher des personnages mais aussi de s’en éloigner pour laisser la place à un personnage à part entière, la mine, avec ses terrils, son puits et sa salle des pendus. Le choix des couleurs est intéressant : on a l’impression que les couleurs vont structurer le récit avec des monochromes pour des temps précis (bleu pour le procès, orange pour Cécile) mais c’est plus compliqué que ça : les vraies couleurs de la vie reprennent souvent le dessus et il n’y a pas forcément de logique. Mais cela fonctionne parfaitement ! Il y a aussi ces grandes pages en noir et blanc avant chaque chapitre, comme des instants arrachés au charbon qui tient presque toute la place. C’est beau.

Le respect de la trame du roman est très fort, le cadrage, l’écoulement de la temporalité : c’est vraiment une bonne adaptation. Le scénario est impeccable : Romain Dutter a su choisir, découper, et mettre en valeur les épisodes essentiels du roman de Sorj Chalandon. Avec Simon Géliot, ils ont su incarner les personnages qui sont attachants, révoltants et difficiles à comprendre, mais surtout liés par la mine et ses sacrifices.

C’est donc un très bon moment de lecture, pour découvrir l’œuvre ou retrouver des personnages qui nous ont plu. Un bel hommage aux mineurs, à leur dignité qui permet de connaître et de se souvenir de la catastrophe de Liévin. Un bel hommage à Sorj Chalendon aussi : Romain Dutter et Simon Géliot ont donné une deuxième vie au Jour d’avant.