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Critique de Kali

par Ben-Wawe le mar. 4 juin 2024 Staff

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Un puissant cri de rage, de vengeance et de liberté, dans une puissante œuvre féministe et nihiliste inspirée par Mad Max

HiComics propose depuis le 22 mai 2024 Kali, puissant tome unique qui marque le lecteur, et semble fort adapté à l’actualité cinématographique du moment. Disons-le clairement : Kali est une œuvre inspirée de l’univers Mad Max, plus précisément de Mad Max : Fury Road de 2015, et Furiosa : A Mad Max Saga actuellement en salles.
HiComics est ainsi légitime et intelligent dans sa sortie actuelle, pour ce Graphic Novel initialement publié par Dark Horse en août 2022. L’ensemble est réalisé par le scénariste Daniel Freedman, ancien éditeur et auteur indépendant (Burn the Orphanage, Undying Love…), et Robert Sammelin, connu pour ses productions dans la boutique de posters Mondo et le studio de jeux-vidéos DICE (Mirror’s Edge, Battlefield…).
Kali est donc un récit unique, de 176 pages avec quantité de croquis et de bonus, pour 24,95 € TTC. Dans une édition fort jolie et agréable à manier, qui permet de profiter des nombreuses qualités de l’œuvre.

Mais de quoi parle Kali, finalement ?
Dans un futur indéterminé, mais proche, le monde semble avoir basculé après une terrible guerre qui a fait chuter la civilisation. Plusieurs camps subsistent, notamment une armée brutale, appelée la Machine et menée par le Général mais aussi sa fille Adora. Des gangs se sont formés, pour résister ou vivre comme ils l’entendent, et la Machine entend les éradiquer.
Le récit débute avec Kali, trente ans, désormais emprisonnée par la Machine, avec d’autres que les soldats « trient » selon leur utilité. Elle est blessée, son couteau lui a été planté dans le dos par… des membres du gang qu’elle dirigeait. Les Matrikas se sont retournées contre elle et ses alliées, qui ont été tuées. Elle n’a plus rien, sauf une boule de fureur et l’envie de faire payer les responsables.
Commence alors une quête de vengeance pour Kali, pleine de rage et de destruction, afin de retrouver et faire payer les coupables. Pour confirmer, aussi, son désir absolu de liberté, quel qu’en soit le prix ; pour les autres, et pour elle.

On le comprend, Kali puise son inspiration dans les récits post-apocalyptique, et le plus connu est bien évidemment Mad Max. Les films de George Miller sont néanmoins tous différents, et Kali puise dans plusieurs aspects pour s’en inspirer, reprenant en un sens la course-poursuite brutale et intense de Fury Road tout en ayant l’aspect désespéré et mortel du premier opus.
Heureusement, Daniel Freedman ne cherche pas à créer des doubles de Furiosa ou Max. Le personnage-titre est en effet différent, extrêmement sèche et violente également, guère sympathique malgré des « excuses » pour son comportement, mais une révélation qui vient modifier le regard du lecteur sur elle.
Le récit se détache ainsi de l’hommage à Mad Max pour devenir un beau et terrible portrait de femme, incarnant initialement la vengeance mais qui, finalement, brûle d’un feu de liberté absolue, qui anéantit tout et tous ceux qui l’approchent.

Kali se révèle donc être une histoire intense, puissante, pleine d’émotions et de contrastes sur un personnage plus profond et surtout moins « binaire » que l’on pouvait croire, au début. Daniel Freedman s’inspire du post-apocalyptique pour livrer un beau portrait de femme déterminée, acharnée à ne céder devant rien ni personne ; et ni pour rien, ni pour personne.
L’ensemble est particulièrement sombre, brutal oui, mais surtout désespéré et même nihiliste. L’œuvre ne propose guère d’espoir réel, ni dans sa fin particulièrement aride, ni dans son contenu extrêmement intense mais violent et sans concession.

Le scénario s’amuse en effet à livrer une belle course-poursuite, proposant quantité de bons moments, de fusillades, d’agressions, de bagarres mais aussi un bel instant de paix et de discussion entre Kali et un autre survivant/résistant. Daniel Freedman sait bien faire respirer son récit, et livre des clés pertinentes sur cet autre monde.
L’on n’en sait jamais « assez », au fond, de cet univers futuriste terrifiant, mais le scénariste donne ce qu’il faut pour nourrir l’imagination du lecteur. L’on reste dans des éléments connus, codifiés du post-apocalyptique, mais les mentions des autres gangs (et la vue de l’un d’entre eux, puis du groupe restant qui fait un dernier coup) excitent l’imaginaire, et donnent envie d’en savoir plus.
Surtout, cela meuble bien l’ensemble, et cela permet de faire avec un personnage-titre lancé dans une démarche de vengeance et un aspect « boulet de canon » fort sympathique mais limité, jusqu’à la révélation.
A noter, cependant, que celle-ci, malgré son importance, tombe un peu à plat. La faute à un manque de préparation, d’éventuels flashs de Kali sur l’événement fondateur de sa quête, et le peu de lien que le lecteur a avec les autres membres du gang. Dommage.

Graphiquement, les propositions de Robert Sammelin sont très solides. Son style n’est pas « beau » en soi, mais particulièrement travaillé et agréable. Il livre une très belle et très bonne ambiance globale, avec un grain lourd, âpre, ocre même, qui correspond très bien à ce futur oppressant et désespéré.
Surtout, il a une très bonne narration, et Kali a plusieurs très bons moments de bande-dessinée. Notamment une fusillade sur plusieurs double-pages, quasi similaires mais qui actent l’avancée des tirs ; très agréable à l’œil, très bonne idée.
Enfin, Robert Sammelin dessine de bons éléments post-apocalyptique, suivant bien sûr les grandes inspirations sans se perdre dans l’hommage trop lourd. L’on reconnaît les codes, les clins d’œil ; c’est apprécié, sans que cela soit usant.
Une proposition graphique adaptée et intense, avec notamment des pages finales formidables.

En bref

Kali est une belle et bonne œuvre, intense et prenante. Le lecteur est capté par la quête de vengeance, particulièrement brutale et bien menée dans plusieurs bons moments d’action et de course-poursuite. L’œuvre se transforme en cri de liberté absolue pour Kali, qui en paye hélas plusieurs prix chers. Un scénario pertinent, malgré un bémol, et un dessin adapté, pour une œuvre inspirée par Mad Max mais qui s’en détache. Intense et prenant, définitivement.

8
Positif

Un récit prenant et intense, difficile à lâcher.

Des inspirations bien intégrées, pour un récit post-apocalyptique bien mené et bien illustré.

Un propos passant de la rage de vengeance au cri de liberté, habile…

Negatif

Des codes post-apocalyptiques respectés et un univers sympathique, mais qui ne révolutionne pas le genre.

L’envie d’en savoir plus sur ce monde.

… mais un bémol sur la révélation qui change « tout », dont l’impact est atténué par un manque de préparation en amont.

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