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Critique de Barbaric #1

par Ben-Wawe le mar. 6 août 2024 Staff

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Une belle et bonne surprise, qui part comme un délire fun et pastiche de Conan le Barbare, pour devenir plus riche et intense au fil d'une lecture très prenante

Urban Comics propose, via sa collection Urban Indies, le premier tome d'une nouvelle série comics fort surprenante et agréable : Barbaric. Initialement publié en version originale par la maison d'édition Vault Comics (These Savage Shores, notamment), le titre est une œuvre de Fantasy, voire même de Dark Fantasy, lorgnement fort volontairement vers l'univers de Conan le Barbare, de R.E. Howard, mais en troublant les fondamentaux attendus.
Ici, le scénariste Michael Moreci (The Plot, Roche Limit, quelques participations chez Marvel & DC) et le dessinateur Nathan Gooden (The Rush, Zojaqan) lancent une étonnante saga, jouant avec les codes du genre et les attentes du lecteur. Ils n'hésitent pas à lancer des fausses pistes et des promesses qui sont altérées au fil des pages, pour une lecture très prenante et entraînante dans ce premier tome, dont une suite arrive déjà bientôt.

Mais de quoi parle Barbaric Tome 1 : Crimes étripables, finalement ?
Dans une ère temporelle indéterminée, mais évidemment inspirée de l'âge hyborien, la période archaïque fictive de R.E. Howard, le lecteur croise Owen le Barbare. Ce dernier est enfermé dans une arène où il doit affronter des criminels qu'un organisateur de jeux sanglants fournit, avec déjà beaucoup massacrés par sa star. La situation se corse, cependant, quand Owen apprend qu'un des criminels n'est coupable que d'un délit mineur – car sa hache, enchantée et qui ne parle qu'à lui, refuse de l'attaquer !
En effet, Owen le Barbare est victime d'une malédiction : il est forcé de suivre les désirs de la hache (qui s'enivre de sang, et a la boisson mauvaise, d'ailleurs) et surtout... de faire le Bien. Owen doit forcer sa nature barbare, abandonner son mode de vie adoré (tuer, baiser, boire, dans n'importe quel ordre) et écumer le monde, en quête de bonnes causes à défendre. Ce qui le crispe, l'énerve et nourrit un caractère hautement désagréable.
Bien entendu, la situation s'envenime quand une foule s'en prend à Soren, jeune fille en qui ils voient une sorcière. Sauf qu'elle vient les alerter d'un danger mystique terrible, dans un lieu saint à proximité. Owen doit répondre à cet appel et bien agir alors, même s'il traîne les pieds et râle au passage !

On le comprend, le scénario de Michael Moreci a un aspect délirant, clairement affiché et assumé. Owen le Barbare est un pastiche évident de Conan, sans la noblesse intrinsèque du Cimmérien qui le pousse à souvent bien agir, même dans son époque troublée. Owen est un barbare qui apprécie de l'être, qui se fiche du Bien et du Mal, et n'envisage que son plaisir en brisant tout ce qui l'approche. Hélas, un événement spécifique le change, et permet une caractérisation particulièrement fun et drôle.
Michael Moreci réussit très bien les dialogues de sa saga, avec un Owen constamment usé et de mauvaise composition pour bien agir. L'on sent évidemment « quelque chose » derrière tout ceci, au-delà de la simple brutalité du personnage, mais cela sera examiné ensuite. En l'état, cela apparaît extrêmement cocasse, avec beaucoup d'humour bien trouvé, et donc fort réjouissant.
L'on peut citer notamment les échanges entre Owen et la hache, véritable « vieux couple » qui se chamaille et se pousse l'un l'autre. L'intégration de Soren permet de donner un rôle plus « sympathique » à Owen (et encore...), et la jeune femme est en soi plus classique dans son origine et dans sa caractérisation. Cela forme un trio entraînant, bien écrit, bien mené et surtout bien équilibré.

Cela permet ainsi de bien immerger le lecteur dans un ensemble très prenant et dynamique, avec plusieurs rebondissements certes relativement prévisibles, mais bien amenés.
Le scénario est en effet assez classique, sans grande surprise, mais les événements sont bien placés et sonnent justes. Il y a surtout un rythme, une fougue, un souffle qui transportent complètement le récit, et donnent aux pages un sentiment d'urgence, de précipitation qui correspond complètement à l'histoire.
Cela transforme alors un récit en soi déjà-vu, pour former une lecture très prenante et réjouissante, qui finalement change de thèmes au fil des pages.

Michael Moreci lance en effet son titre comme un pastiche de Conan, avec beaucoup d'humour et des folies assumées, mais amène ensuite ses personnages à un hommage sincère, finalement, à ce même Conan. Owen demeure brutal, bourrin, râleur et peu amène, mais les événements et la lecture transforment un délire violent en un petit moment épique, touchant en soi, malgré la soif constante et agressive de la hache pour le sang (quel qu'il soit).
Un bel exemple de jeu avec les attentes des lecteurs, et de modulation des promesses de lecture.

Graphiquement, le dessin de Nathan Gooden participe à ce dynamisme global. Les traits sont en effet vifs, nerveux, certes travaillés sur plusieurs images, notamment les personnages. Mais il y a également un souffle dans les planches, un dynamisme dans la narration, qui rend la lecture très prenante.
Ce n'est pas forcément « beau », mais c'est extrêmement efficace pour une lecture immersive, et il faut admettre qu'Owen et Soren sont bien croqués. La hache, surtout, a un faciès reconnaissable et appréciable. Il y a également de la violence et du gore bien affichés, sans que cela soit repoussant, pour épouser l'aspect délirant assumé et bien retranscrit ici.
Néanmoins, les décors demeurent pauvres, voire même régulièrement absents. En outre, les couleurs d'Addison Duke sont sur une gamme chaude, ocre même, qui a du sens vu l'époque concernée, mais qui lasse quelque peu, notamment dans la dernière partie.

En bref

Le premier tome de Barbaric est une belle et bonne surprise, qui passe d'un pastiche assumé, bien trouvé et bien délirant de Conan le Barbare à une saga classique mais bien menée et entraînante. Le grand sens du rythme et du dynamisme des auteurs permet d'aspirer le lecteur dans une intrigue fluide, avec de bons personnages et de très bons dialogues. Cela donne une lecture fun, drôle, bourrine mais pertinente, et tout simplement fort divertissante !

8
Positif

Un bon concept, qui passe par plusieurs étapes, attentes et promesses envers le lecteur.

Des personnages bien écrits, équilibrés et surtout bien dialogués.

Un divertissement bourrin fort agréable et réjouissant.

Negatif

Un certain classicisme dans l'intrigue, qui soutient les personnages sans passionner en elle-même.

Des dessins adaptés, mais avec des failles.

Un léger bémol sur la « perte » de la folie du pastiche au début, qui pourra quelque peu décevoir.

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