Critique de Talyn - Le coeur des ténèbres #1
par Ben-Wawe le mer. 14 août 2024 Staff
Rédiger une critiqueUn lancement de série doté d'une ambiance forte dans un univers riche, aux inspirations animées évidentes mais bien dirigées
L'éditeur Black River propose le premier tome d'une nouvelle série marquante, qui ne laisse pas indifférent et intrigue grandement. L'on parle ici de Talyn, titre édité en version originale par la structure Scout Comics and Entertainment, éditeur indépendant qui s'implante en tentant des voies différentes des autres maisons d'édition.
Talyn est ainsi l'une de ses productions originales, avec une volonté claire de se démarquer des autres séries comics, notamment en respectant et en assumant ses inspirations. Avant d'en dire plus, il faut révéler que les auteurs affirment clairement vouloir suivre et rendre hommage aux animés asiatiques, notamment japonais. Les œuvres Vampire Hunter D ou Wicked City sont ainsi citées, et la relation est évidente.
Les amateurs pourront s'en réjouir, les novices (comme le présent rédacteur de l'article) peuvent ainsi découvrir une autre approche, intéressante et bien amenée ici.
Mais de quoi parle Talyn Tome 1 : Le cœur des Ténèbres ?
Nous sommes dans un monde différent où, au XIIIe siècle, les jumeaux Vorden mènent une traque sans relâche en Europe, pour anéantir tous les adeptes de sorcellerie, qu'ils considèrent responsables de la Peste Noire. Ils s'en prennent à la Reine des Sorcières, qui néanmoins laisse le nécessaire pour que des héritiers poursuivent son œuvre.
Au présent, la situation du monde est bien différente du nôtre. Les Humains sont traqués et soumis par les Lycans et les Dives, et les plus riches se sont échappés dans les nuages pour former la ville d'Absalom. Les Humains plus pauvres demeurent au sol, et notamment dans la ville lourde et oppressante de Remnant.
L'on y suit notamment Talyn, l'héroïne du récit qui tente de débuter une carrière comme boxeuse dans les bas-fonds, en devant respecter des engagements illégaux. Elle traîne une perte terrible, qui la hante, et va être confrontée à des événements sombres. Notamment en lien avec la Cabale d'Ebène, l'autorité policière locale chargée de traquer les monstres, et le chasseur Vraeth, rare survivant d'un massacre troublant...
On le comprend, les influences précitées sont bien claires, et assumées. Talyn s'inscrit pleinement dans une approche basée sur des éléments phares de certains animés japonais, et c'est d'autant plus vrai en regardant le graphisme de l'oeuvre.
L'aspect graphique est en effet un des points forts, fondamentaux même de ce tome. Les dessins font plus que participer à l'ensemble, ils sont même une forme de priorité, afin de faire vivre les personnages, et surtout l'atmosphère que les auteurs veulent ainsi installer.
En effet, ce premier tome vise essentiellement à créer une ambiance, à poser les bases d'un univers que l'on sent riche et dense. Plusieurs données sont avancées, sans explications trop précises, mais avec ce qu'il faut pour ne pas être perdu. Le cœur de ce lancement est bien d'amener le lecteur à comprendre le sens, l'approche, la philosophie de la série, avec une mélancolie forte, des personnages désespérés dans une ville oppressante, où la violence est totale et l'injustice une évidence.
A ce titre, le fait que plusieurs éléments du scénario soient déjà-vus ne gêne pas réellement, car cela permet de bien intégrer l'atmosphère particulière des dessins.
Oui, le personnage Talyn est une dure-à-cuire au cœur brisé, qui va découvrir un secret étonnant, certainement en lien avec la menace terrible qui a brisé des membres de la Cabale d'Ebène. Oui, Vraeth est un chasseur différent, avec une âme alors que ses camarades ne font que suivre les règles. Oui, les secrets vont « miraculeusement » se révéler aux personnages dès qu'ils s'en approcheront.
L'on a déjà vu cela, mais la gêne est minimisée car les auteurs montrent bien les choses, sont disciplinés dans leur approche et prennent leur temps pour bien tout poser.
Il faut néanmoins admettre que des lecteurs pourraient être un peu marqués par ce rythme. Il y a en effet un paradoxe ici : il se passe plusieurs choses, il n'y a guère d'attente dans les pages, il y a régulièrement de l'action et des informations... mais le fond avance finalement peu.
A la fin de ce tome, et des trois chapitres qu'il intègre, Talyn semble débuter « à peine », et cela
peut crisper quelques lecteurs.
Il faut voir ici le travail des scénaristes Caspian Darke et Geoffrey Rickett, qui veulent essentiellement poser une ambiance, installer un esprit, et servir les dessins de Banished Shadow, mystérieuse artiste au cœur du projet, au point de voir son nom mis en premier dans les crédits.
Le graphisme est bien primordial, et particulièrement léché et réussi dans le style inspiré des animés. Les personnages sont bien croqués, les allures sont belles, les designs sont très forts et travaillés, et les ambiances sont intenses et prenantes.
C'est fort, c'est étouffant, c'est marquant, c'est fort.
… mais les couleurs et la gestion des ombres peuvent interroger, quand même. L'essentiel est réussi, mais plusieurs scènes de pénombre sont difficiles à déchiffrer, et c'est fort dommage, notamment quand cela concerne des éléments phares de l'intrigue.
A noter que Black River livre quantité de bonus accompagnant le récit, extrêmement agréables, pertinents et réussis. L'on a ainsi une interview intéressante des auteurs, des recherches de designs et explications, des illustrations, des travaux préparatoires.
Beaucoup d'ajouts très justes et cohérents, qui sont un soutien fort à l'oeuvre.
En bref
Le premier tome de Talyn est une œuvre surprenante, notamment en comics. Clairement inspiré des animés asiatiques, le titre leur rend bien hommage, et propose une atmosphère très travaillée, notamment via un graphisme marquant qui est le cœur du projet. La mythologie de ce monde est prenante, intéressante, et l'ensemble fonctionne... malgré un rythme très lent, et quelques gênes sur les ombres et couleurs. Les multiples bonus sont un véritable plus pour ce lancement intéressant.
Positif
Une ambiance travaillée et prenante, respectueuse de ses inspirations.
Un graphisme marquant pour une mythologie qui intrigue.
Des bonus pertinents et nombreux.
Negatif
Une ambiance et des inspirations qui ne parleront pas à tous les lecteurs de comics.
Un rythme lent, avec une lecture qui n'ennuie pas mais l'impression que l'histoire ne commence qu'à la fin du premier tome.
Un graphisme marquant, oui, mais à peaufiner encore, avec des passages peu aisés à déchiffrer.
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