Une vie de peu
Les bibliothèques regorgent de récits, d’essais, de romans décrivant la vie des ouvriers à l’usine. Mais cette œuvre a un goût particulier. Ici, il s’agît d’une adaptation d’un roman de Joseph Ponthus qui raconte sa vie de travailleur précaire dans les usines de poissons et les abattoirs en Bretagne.
Dès les premières pages, on ressent cette dimension oppressante de l’usine ; l’enfermement dans un monde à part les cadences épuisantes, les corps qui souffrent, la répétition des mêmes gestes, des rythmes réguliers de pause, le décalage temporel quand on commence au petit matin. Et l’odeur… partout, l’odeur.Pour ce sous-prolétariat, la vie se répète dans un même schéma immuable… On est au taf’ lundi et on tient jusqu’à samedi (heures sup’ obligent). On ne choisit pas son travail, on ne choisit pas ses collègues non plus. Ici, on subit, on oublie, on accepte parce qu’il faut bien gagner sa vie.
La précision du dessin s’accorde parfaitement avec le récit quasi ethnographique de la vie de l'usine. Il y a de très belles planches, notamment celles où le héros engage en vrai combat avec son environnement. Personnellement, j’adore les situations de nuit. Le rendu nocturne est très réussi.
Je n’ai pas lu le roman de Joseph Ponthus. Et je le regrette. Merci à Julien Martinière de m’en avoir donné l’envie.
P.S. : Juste une petite remarque. Pour les deux premières cases de la page 179, l’auteur n’a pas dessiné le port de Saint Gildas de l’île de Houat, mais s’est inspiré de celui de Lampaul de l’île d’Ouessant. Mais, je chipote inutilement et m'en excuse. Cela n'altère en rien la qualité de l'œuvre.
En bref
L’auteur, ancien d’hypokhâgne, travailleur social, se retrouve intérimaire en Bretagne pour suivre son épouse. Il va enchaîner les contrats d’intérim dans les usines de poissons, les abattoirs. Alors, sur sa chaîne, ou agrippé au manche de son balai, Joseph, en regardant le monde qui l’entoure, repense aux livres qu’il a lus et s’en récite des passages. C’est sa façon à lui de lutter, de combattre, d’accepter ; un peu comme si Guillaume Apollinaire croisait le fer avec Henri Ford.
Positif
Une réalité extrêmement bien décrite
Un dessin tout en finesse
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