Critique de L'Abîme de l'oubli
par Le Baron Rouge le dim. 26 janv. 2025 Staff
Pour ne pas oublier
L’Espagne n’a pas fini d’enterrer les morts du franquisme. Pendant, et après la guerre civile, les exécutions de masse ont fait près de 130 000 victimes civiles. Après la victoire de Franco, communistes, anarchistes, sympathisants, simples parents ou tout simplement victimes de rumeurs, vont être condamnés à mort, jetés dans des fausses communes sans éléments d’identité, avec la volonté étatique d’être condamnés à l’oubli.
Paradoxalement, le retour de la démocratie n’a pas répondu aux attentes des familles de retrouver la trace de leurs ascendants. Il faudra attendre le gouvernement Zapatero pour que le pays mette véritablement en place un dispositif afin de retrouver et d’identifier les morts et de permettre aux familles de faire leur deuil. Et encore, la complexité administrative de sa mise en oeuvre freine de nombreuses familles.
Dans cette œuvre, nous suivons des archéologues sollicités par une octogénaire qui après une lutte administrative intense obtiendra l’autorisation de procéder à des recherches ; promesse qu’elle avait faite à sa mère.
On suivra aussi Leoncio Badia, forcé de devenir fossoyeur pour enterrer ses « frères rouges », et qui prendra tous les risques pour donner un minimum de dignité aux cadavres en prélevant consciencieusement quelques reliques pour contrer cette machine de l’oubli.
Nous suivrons le combat de familles pour sortir leurs ancêtres de l’abîme de l’oubli dans un pays qui a fait le choix de l’amnésie.
Les auteurs n’ont pas leur pareil pour raconter cette histoire où les ancêtres se relèvent pour assister leurs descendants comme des fantômes que l’on aurait exhumés du fin fond de nos mémoires.
Le récit est magnifique, dense, prenant, dramatique, violent, plein d’espoir, de résilience… Bref, il est parfait. Quant au dessin, à la limite du sépia pour les partis historiques, il soutient la tension de la narration à la perfection.
En résumé, on ne ressort pas indemne de cette lecture. A lire absolument et surtout à transmettre.
En bref
Nous avons entre les mains une œuvre magistrale, à la fois document historique, réflexion philosophique sur la mémoire, le deuil. Parfois un peu bavarde, elle décortique par le menu la machine franquiste destinée détruire toute mémoire de la révolution espagnole et la difficulté des descendants à retrouver leurs morts dans un pays dont certains partis politiques le préfèrent amnésique.
Positif
Le sujet
Le graphisme
La narration
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