Croyez-vous aux histoires de fantômes ?

Le mot spectre a plusieurs sens. Il désigne bien entendu l'apparition d'un être passé de vie à trépas. Au sens figuré, on parle aussi de spectre pour parler du souvenir que l'on garde de personnes disparues. En physique, c'est aussi un ensemble de rayonnements de différentes longueurs d'onde. Il y a un peu de tout cela dans les fantômes qui peuplent l'étrange maison au coeur de l'action de Spectregraph, titre qui fait partie des premières bandes dessinées publiées par DSTLRY, nouvelle structure éditoriale fondée en 2023 par David Steinberger et Chip Mosher. 

Spectregraph est aussi le premier comic-book signé par James Tynion IV pour l'éditeur. Tynion IV a arrêté les séries de super-héros il y a quelques années pour se concentrer sur ses créations, principalement tournées vers le fantastique et l'horreur. Spectregraph reprend le thème bien connu de la maison hantée et pourrait faire penser au long métrage 13 Ghosts avec ces fantômes piégés à l'intérieur de ses murs...mais les choses prennent une tournure complètement différente de cette série B (et de son remake)...

Le récit a pour personnages principaux deux femmes, une agente immobilière et la cliente à laquelle elle fait visiter une imposante maison sur la côte californienne. La première a du faire un choix difficile pour pouvoir assurer cette visite et les détails posent d'emblée un portrait torturé, une situation qui pèse sur la conscience de la mère. La deuxième cultive une attitude de façade, qui va vite s'effriter suite à ce qu'elle considère comme un échec...avant l'étonnante révélation des dernières pages, un twist très bien amené...

James Tynion IV alterne régulièrement entre passé et présent pour parler de l'histoire de la grande maison, du but poursuivi par son propriétaire constructeur d'une machine (dans un mélange de science et d'ésotérisme) qu'il a passé des années à tester. Ces allers-retours sont intégrés de manière fluide à un ensemble au suspense bien dosé, tout au long d'une nuit qui semble ne jamais finir ponctuée de visions inquiétantes (encore plus troublantes lorsque la nature même de ces "spectres" est révélée). 

L'atmosphère de Spectregraph est particulièrement tendue et participe à en faire une bande dessinée d'horreur qui ne manque pas de qualités malgré quelques clichés. Je suis juste un peu plus partagé sur la partie graphique. J'apprécie le trait de Christian Ward, un peu moins sa palette de couleurs souvent baveuse, ce qui donne des effets visuels un peu trop surchargés par moments (comme dans les scènes plus intimistes)...même si cela fonctionne mieux sur les accrocheuses apparitions spectrales...