Des guerrières kurdes face à l’ombre de Daesh

1. Une jeune sniper au cœur du chaos

En 2014, au nord de la Syrie, Rojava, une ado de 16 ans, s’engage dans les YPJ, ces unités de combattantes kurdes qui luttent en première ligne contre Daesh. Armée de son fusil de sniper et d’une détermination à toute épreuve, elle devient malgré elle une icône médiatique, suivie par des journalistes occidentaux qui la transforment en symbole de résistance. Mais la réalité du front est bien plus rude : entre entraînements intensifs, embuscades dans les ruines et moments de camaraderie avec ses sœurs d’armes, Rojava doit affronter non seulement l’ennemi, mais aussi ses propres doutes. Ce premier tome suit son intégration dans une section de femmes aguerries, où la guerre se mêle à des enjeux plus profonds comme l’émancipation féminine et la quête d’une société égalitaire. Un récit qui oscille entre solidarité, humour noir et horreurs du conflit, inspiré des vraies combattantes kurdes.

2. Un visuel réaliste et un scénario documenté

Le dessin : Sébastien Morice excelle avec une ligne claire fluide et détaillée qui rend justice à l’ambiance du Moyen-Orient en guerre. Les décors de villes en ruines, les tunnels sombres et les paysages désertiques sont rendus avec une précision presque architecturale – normal, vu son background ! Les personnages, expressifs et variés, capturent les émotions du groupe : la sévérité de la commandante Rukan, l’humour de Gulan ou l’enthousiasme juvénile de la jeune Surkheen. Les couleurs, souvent ocres et bleutées, alternent entre la chaleur du désert et la froideur des nuits sur le toit, renforçant l’immersion sans jamais alourdir les planches.

Le scénario : Aurélien Ducoudray livre un travail solide, et ce que j’ai particulièrement apprécié, c’est sa façon de mêler le personnel à l’historique sans tomber dans le didactisme. Inspiré d’un reportage sur des combattantes kurdes, il injecte une dose d’humour anti-Daesh pour détendre l’atmosphère, tout en explorant les batailles intérieures : comment préserver son humanité face à la mort ? J’ai aimé comment il met en lumière l’émancipation des femmes au sein des YPJ, où les dirigeantes sont des cheffes, et où le cri de ralliement « La vie ! La femme ! La liberté ! » résonne comme un vrai manifeste. Les anecdotes réalistes, comme les astuces de survie des snipers ou les tensions post-combat, ajoutent une profondeur authentique, rendant le récit à la fois engageant et éducatif.

3. Mon verdict : un hommage engageant aux combattantes oubliées

Rojava est un album qui frappe par son équilibre entre divertissement et engagement. En rendant hommage aux YPJ, ces femmes qui ont défié Daesh et les traditions machistes, Ducoudray et Morice offrent une lecture accessible et émouvante, idéale pour découvrir cette page d’histoire récente. Le mélange d’humour, de tension et de réflexion sur l’égalité fonctionne bien, même si le rythme est parfois un peu lent au début, avec des scènes linéaires qui pourraient sembler prévisibles. La fin, touchante et ouverte, laisse présager une suite plus intense, ce qui est une bonne nouvelle. Ce n’est pas parfait – on sent parfois que l’histoire pourrait creuser plus les enjeux personnels – mais c’est un titre sincère qui met en lumière des héroïnes courageuses, avec un visuel qui transporte au cœur du conflit.