Le journal d'Ari Richter

Il va falloir que je sorte la tête de ce roman graphique pour vous en parler. C'est difficile, car le sujet l'est, d'autant plus parce qu'il est d'actualité, encore aujourd'hui. Je ne me sens pas forcément légitime, je suis, certes, un petit-fils d'immigré espagnol, mais, j'ai vécu une vie bien tranquille au niveau de l'âme. Mes ancêtres n'ont pas été heurtés, torturés, éliminés jusqu'au dernier. Pourtant, on se sent tout de suite proche des nombreuses pensées d'Ari Richter. Pourquoi ?

Pourquoi "Plus jamais je ne visiterai Auschwitz" peut vous intéresser ?

Il est vrai que l'on n'en manque pas de témoignages depuis que l'on enterre au fur et à mesure les derniers rescapés de la Seconde Guerre Mondiale. Justement, aujourd'hui encore, il est important de ne pas oublier. Je n'aime pas ce terme de "devoirs de mémoire", car il résonne avec une envie de s'échapper de cette responsabilité par le poids des mots. Non, il faut s'intéresser à l'autre, tout simplement, prêcher ces voix perdues dans le temps, tout le monde en est capable, et surtout, et c'est là qu'Ari Richter est très fort, savoir reconnaître les signes avant-coureurs du facisme de notre époque, ses ambivalences, ces bonnes idées qui semblent parfois si contradictoires.

Tout au long de ces plus de 260 pages que je n'ai pas vues passer, on met l'accent sur des sujets d'actualité américaine, mais pas seulement. Lorsque l'on parle du célèbre camp de concentration, nous ferons un point sur la politique menée par les Polonais par exemple, et même de la population juive à travers le monde, des meilleurs comme des plus néfastes.

D'ailleurs, quand il raconte l'histoire de son arrière-grand-père, on parlera de l'après-guerre. Chose rare, nous parlerons sans complexe de la vengeance que certains ont pu commettre sans pour autant les juger. On ne parle pas d'Israël, l'auteur ayant de la famille là-bas, cependant, on comprend très bien l'explication de ses ancêtres : faire attention aux actes de haine qui n'engendre qu'une violence sans fin. Peut-être dans ce second opus en préparation qui met en avant l'holocauste à travers Fievel, la célèbre souris du Far West ou Roger Rabbit qui essaie tant d'échapper à sa mort.

Du coup, c'est sans tabou et sans fard que se présente à vous cette belle édition Delcourt. Si on s'attriste de voir entièrement transformés certains grands quartiers juifs allemands effectués dans les années cinquante, aujourd'hui, on est plus les bienvenus sur les sépultures de la communauté juive qu'avant. Cela n'empêche pas ce stress transmis de génération en génération, concret, quand il s'agit d'une inflammation de l'intérieur d'une joue à force de la mordre. Et d'un côté, on a une seconde naissance dans un monde post-Trump qui reste un espoir face aux désordres certains ou à cette montée du totalitarisme ambiant.