Nouveau titre dans la collection Ecritures de Casterman, Junk Love est la seconde oeuvre de Chaemin a être publiée en France après sa participation à l'oeuvre collective "Corée" paru en 2006, toujours dans la collection Ecritures de l'éditeur. Junk Love est un titre totalement atypique. Si au centre de l'histoire se place la relation entre Ho-Gyeong, apprentie comédienne qui enchaine les petits boulots en tant que modèle de nu, et Min-Gyu, ex-étudiant sans emploi fixe, l'originalité du récit vient d'une chronologie aléatoire mélangée à une vision d'évènements suivant le point de vue de l'un puis l'autre des personnages. L'autre point original, qui explique le titre, est que les différentes étapes de la relation entre nos deux tourtereaux sont marquées par des plats, comme des raviolis, des nouilles tchajang, des calamars séchés... Ces différents plats servent également de point de repère au lecteur, qui se doit d'être attentifs au nom des "chapitres" et aux dates, afin de ne pas être perdu dans la narration particulière du titre. A travers Junk Love, Chaemin semble vouloir donner sa vision de la vie, parfois subie, par une certaine génération coréenne, tiraillée entre son envie d'indépendance, ses rêves, la difficulté de trouver sa voie et un travail, ainsi que la pression familiale et les relations intimes, souvent compliquées. Le principal obstacle pour apprécier Junk Love pleinement réside dans cette fameuse narration. Entre la chronologie totalement anarchique, qui peut parfois perdre le lecteur, et la vision d'un même évènement par nos deux protagonistes principaux qui donne parfois, logiquement, une impression de déjà vu qui peut être déstabilisante, le one-shot de Chaemin aura sans doute du mal à convaincre tout le monde. Pourtant, suivre les questionnements continus de Ho-Gyeong, un peu moins ceux de Min-Gyu, est intéressant et sonne parfois cruellement vrai, donnant au récit une crédibilité réelle et une certaine empathie pour la jeune fille, créant ainsi un lien entre elle et le lecteur. Une proximité que l'on recherche souvent mais qu'il est toujours compliqué à créer. Graphiquement, le style de Chaemin est très sobre, parfois un peu trop, mais reste dans l'ensemble réussi et efficace. Il est parfois plus compliqué de suivre les bulles de dialogues, pas toujours placées parfaitement et qui font relire au lecteur plusieurs fois la même case et/ou planche afin d'être sûr d'avoir tout lu dans l'ordre. Ne pouvant donc pas plaire à tout le monde, Junk Love est un titre qui mérite une attention particulière, tant pour son fond que pour sa forme, malgré quelques défauts réels mais qui ne sont pas rédhibitoires. Un titre réservé aux lecteurs curieux.