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Critique de Lorsque nous vivions ensemble #1

par Suiginto le dim. 29 juin 2014 Staff

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Dans le Japon des années 70, Kyôko, graphiste dans une agence de pub, et Jirô, illustrateur freelance, vivent un amour pur et vivant, marqué par un non-conformisme terrible puisqu'ils habitent ensemble sans être mariés, ce qui était rare et mal vu à l'époque. Le sujet n'est d'ailleurs pas tellement propre au Japon puisqu'en France à la même période, il était tout aussi mal vu de "vivre à la colle", mais dans un pays marqué par les conventions comme celui du Soleil Levant, le tabou est d'autant plus grand! Comme tous les amants, au-delà de leur situation de concubinage peu orthodoxe, Jirô et Kyôko traversent toutes les difficultés du quotidien, chez eux comme au travail, et l'on suit dans cet épais premier tome de Lorsque nous vivions ensemble de nombreuses tranches de leur vie. En filigrane, on retrouve leurs interrogations sur l'amour, l’intensité et la durée des sentiments, le ballet des disputes et des réconciliations où s'entremêlent l'affection complice et le sexe, les espoirs et les angoisses du lendemain... Les différents chapitres sont de qualité et d'intérêt inégaux, les moments du quotidien sont les plus présents, certains passages sont plus contemplatifs, illustrés de poèmes, enfin d'autres chapitres développent des personnages secondaires qui disparaissent sitôt qu’apparus, et amènent surtout matière à des allégories quasi-cinématographiques, comme avec celui de la "poupée du poète". L'auteur teinte ses histoires d'une imagerie sexuelle ou horrifique légère mais toujours présente, entre le sang, les larmes, la mort qui semble toujours rôder, et qui vient en contrepoint de l'amour que se portent les héros de la série, le ton oscillant alors entre la quiétude nostalgique et la passion fougueuse. Cette morbidité ajoutée au trait très fin et concis de Kazuo Kamimura, proche de l'estampe japonaise traditionnelle, teinte le récit d'une ambiance très particulière, parfois lourde et pesante. On ressent beaucoup de détresse chez Kyôko, parfois enjouée et souriante, souvent en larmes et angoissée, indépendante au travail mais souffrant pourtant de solitude malgré la présence de son amant. On peine un peu à s'attacher à elle, même si l'émotion est palpable à travers les pages, certains dessins à vif transmettant beaucoup de force et de grâce. Le personnage de Jirô est plus difficile à saisir, manquant peut-être d'épaisseur et de consistance, paraissant continuellement désœuvré... L'édition de Kana reste maniable malgré l'épaisseur et la lourdeur de ce pavé de 700 pages (à ne pas lire les bras tendus sous peine de crampe!), et il faut saluer encore une fois l'audace éditoriale qui nous permet de découvrir de nombreux classiques de la littérature japonaise, au-delà des séries plus commerciales et "mainstream". Ayant beaucoup apprécié la vengeance dramatique de Lady Snowblood du même auteur, j'ai retrouvé dans ce nouveau titre les mêmes qualités graphiques, mais une narration plus discontinue et éclatée bien qu'expressive, avec des personnages auxquels je ne suis pas vraiment parvenue à m'attacher. Une petite déception pour ma part puisque ce titre ne m'a pas vraiment touchée, mais j'espère qu'il trouvera tout de même son public!

En bref

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