D'abord il y a le dessin, fort, intense, fulgurant comme un coup de poing, qui raconte, se raconte, pourrait se passer de tout texte, ce qu'il fait dans le visuel provisoire qui montre combien il est porteur de la narration dans sa simplicité, sa justesse de couleurs, de découpage, d'angles de vue. Peinture à l'huile, ou plutôt à l'aide de stick d'huile solide, chaque page est une découverte de tableaux plus que de cases, sur lesquels on revient découvrir petit à petit ce que le feu des couleurs ou la grisaille de la guerre cachent comme mise en scène, mise en forme, mise en situation des corps et des visages qui prennent à l'âme et aux tripes. Une lumineuse découverte pour moi que ce Monsieur Joe G. Pinelli. Et puis il y a le texte. Au-dessus d'un dessin aussi puissant, il fallait un texte poétique, qui raconte et fait deviner, qui montre aussi la noirceur de ces temps de conquête, de guerres et d'horreurs dont l'humanité n'a rien appris, sauf à dépasser l'horreur par plus d'horreur. Le texte est beau, porte les désillusions et le désenchantement en relais du dessin, devant lequel il sait aussi s'effacer. Un très beau livre, au-delà presque d'une BD, vers un ouvrage d'art qui ouvre une voie nouvelle. Flamboyant à l'image des oranges et des rouges de cette jungle hospitalière.