C’est le récit d’un voyage réalisé par l’auteur de BD Emmanuel LEPAGE sur un bateau ravitailleur des TAAF (Terres Australes et Antarctiques Françaises), archipel d’îles au sud-est de l’Afrique. Il raconte la vie difficile aussi bien à bord du bateau que sur les îles du bout du monde elle-mêmes, le combat avec soi même et les éléments et les liens indicibles qui se nouent entre individus ayant vécu cette expérience. Le récit se fait en noir et blanc rehaussé ça et là d’aquarelles colorées réalisées sur place, de planches d’une saisissante beauté de la mer, toujours agitée, et des paysages abrupts et sauvages. La double page de l’aurore australe est une réussite complète. C’est à un vrai récit d’aventure auquel nous sommes conviés, nous spectateurs sereins, dans la chaleur d’un intérieur douillet alors que devant nos yeux se déploient les terres les plus froides, les conditions de vie les plus difficiles de notre république française. Il y a quelques années une boutade professionnelle dans l’entreprise ou je travaille était qu’en cas d’échec sur un projet, nous serions mutés aux îles Kerguelen. J’utilisais l’expression sans en saisir le sens. C’est chose faite désormais. Ce très bel ouvrage touche aussi au cœur de l’évolution avec les modifications amenées par l’homme en introduisant végétaux et animaux sans mesurer à priori les bouleversements sur la faune et la flore endémique. On peut y voir comme un terrain d’expérience, un microcosme représentatif des jeux d’apprenti sorcier auquel se livre l’homme à l’échelle de l’univers. Un moment fort de lecture en tout cas, de compréhension, de réflexion, de rêve et d’aventure.