Dans ce tome, aucun flash-back. Nous suivons les péripéties de Joseph Joanovici entre 1940 et 1942, ce roumain juif illettré immigré qui a su faire prospérer une entreprise de récupération de vieux métaux à la force de son opportunisme, de son sens des affaires mais aussi de son absence de moralité…Comment va-t-il (ré)agir sous l’occupation nazie ? Fuite ? Refus d’abandonner l’entreprise bâtie "à la sueur de son front". Changement d’identité pour sa sécurité, celle des siens et de ses ouvriers ou simple formalité pour garantir la signature de contrats et la présence d’ouvriers qualifiés ? Tentative d’escroquerie envers l’armée allemande pour gonfler ses propres bénéfices ou acte engagé de sabotage des armes germaniques ?... L’atmosphère, plus lourde et dramatique (question de contexte soit, mais aussi de cadrage et de découpage) nous laisse percevoir quelques fêlures dans l’armure de Joanovici. En effet, il ne maîtrise plus son monde et doit faire face à de plus puissants que lui : officiers allemands et membres de la Carlingue ne sont pas aveuglés par la fortune de Joseph...Ils sont intelligemment dessinés, un brin caricaturaux. Si Nury nous présentait un personnage plein de paradoxes dans le tome 1, il nous livre un personnage de plus en plus trouble dont on ne sait pas toujours s’il est haïssable ou non, s’il est mû par sa vénalité, sa peur ou son idéologie. Sa complexité, toute humaine, est une vraie qualité scénaristique. En continuant de ne pas prendre parti, Nury laisse s’animer en nous des sentiments très forts vis-à-vis de ce très controversé Joseph Joanovici. Un excellent tome 2. Une série à suivre.