Beaucoup de retenue dans la narration, de poésie même dans les moments tristes. « Mon grand père finit la journée au fond de nos poches » , telle est la façon de rendre compte de ces parcelles de cendres dispersées dont les dernières enduisent encore les mains. L’auteur nous parle de son grand père, oscillant entre présent illustré par des dessins au pastel et récit du passé, du carnet de ce grand père justement qui donne son titre à l’album. Le récit de Roger, prisonnier en Allemagne durant la guerre 39/45 est rendu par le pinceau, simulant les craies grasses, sur du papier que l’on dirait de couleur brune, comme les photos vieillis d’un album de famille trop longtemps oublié. La narration de Roger reprend ces BDs anciennes, où l’histoire se raconte sous les cases, sans bulles de dialogue le plus souvent. A partir d'un cahier transmis à titre posthume à la postérité par le grand père, le petit fils part à la découverte des lieux évoqués pour renouer le fil ténu de l’histoire familiale et parfaire le lien qui les lie. Au détour de la reconstitution du parcours de Roger il fait la connaissance d’un jeune allemand dont le grand père a lui aussi vécu des choses difficiles ? A travers ce rapprochement de deux hommes, leur voyage sur les lieux de captivité de Roger, le hasard des rencontres, on fait mieux la différence entre ce lourd passé historique et la vie des hommes qui des deux côtés ont été soumis à un destin et des évènements qui les ont dépassés. La fin de l’ouvrage est de la même nature que le récit, digne, franche, sans pathos, et le dessin lui-même, jouant avec la douceur et le calme apparent des êtres atténuent la douleur qui transparait du récit. Une réussite ! En bref : Récit vécu de Roger, prisonnier français durant la dernière guerre mondiale, raconté et mis en image avec succès par son petit fils.