Connaît-on jamais les gens ? A le regarder de l’extérieur, on pourrait penser que rien ne manque au bonheur de Simon Muchat : il travaille dans la BD et y a acquis une renommée certaine, vit en couple avec une charmante jeune femme, Claire, et envisage même de devenir propriétaire. Mais à y regarder de plus près, on découvre que Simon est déprimé. Oh, il ne se plaint pas mais on sent bien que son regard fuit, qu’il papillonne, insatisfait et désabusé. Le début de son récit, à l’image de son quotidien est monochrome. Les premières chaleurs, les premiers sons nous arrivent de Lusitanie où il se rend à l’occasion d’un festival BD. Le trait va se libérer, s’affranchir des contraintes, devenir plus spontané et les couleurs vont enfin exploser et envahir sa vie. Simon renaît au Portugal. Le poids sur sa poitrine s’est envolé. Il savoure les petits bonheurs simples, est de nouveau inspiré. Le bonheur tient parfois à peu de choses. Encore faut-il les trouver ! Les secondes et dernières parties sont consacrées à Jean, le père de Simon et Abel son grand-père. Si l’un est cerné de silences et de non-dits, de soumissions accentués par des crayonnés multiples, l’autre bénéficie d’un dessin plus léger, plus libre. « Portugal » est un récit introspectif bénéficiant d’un graphisme dynamique, en adéquation, que dis-je, en osmose avec le cheminement intérieur des personnages. Quand la quête du bonheur passe par celle de l’identité. Quand pour renaître, il faut un ailleurs où plus aucune contrainte n’oserait s’exprimer (ou alors en portugais…) J’ai dévoré les 260 pages, happée par la métamorphose de Simon. Je l’ai quitté, bien dans sa tête, bien dans sa peau…et à bien y regarder, son bonheur m’avait gagnée ! Un livre antidépresseur…La sécu devrait le rembourser ! En attendant, je ne peux que vous le conseiller.