Jeanne et Pistouvi, une petite fille et un renard, vivent ensemble dans leur refuge. Leur cabane, au sommet du plus grand des arbres, surplombe ainsi les vastes espaces oniriques environnants. Leur bonheur palpable reste néanmoins fragile, les oiseaux, dangers latents de leur petit univers, ne sont jamais bien éloignés, prêts à les séparer... Une seule solution, les éviter et surtout rester soudés à tout prix. Pour cela ils peuvent compter sur l'aide du vent, personnifié sous les traits d'une femme magnifique et rassurante. Mais peut-on toujours éviter l'adversité? Le premier point captivant de cette bande dessinée se trouve dans son dessin. Les personnages se présentent, expressifs, attachants, affirmés à l'image de leur caractère bien trempé. Chaque moue, chaque attitude et interaction transpirent de naturel et de spontanéité. Les protagonistes se détachent sur des décors naturels, tantôt simples, tantôt parsemés d'éléments fantastiques comme tout droit sortis d'un songe. Mais ce qui fait aussi et surtout la force de ce récit n'est autre que le cadrage, le découpage des planches, très réfléchi, donnant plus d'intensité à se déroulement calme du récit en contraste avec la crainte d'une imminence qui rend pesante cette simplicité apparente. L'absence de couleur n'est pas sans donner un certain charme, limpide, sans superflu, fin, à l'image de son contenu. Le second point prend place dans la signification même du récit. Au fil des réflexions, le conte fantasmagorique laisse place à un tout autre contenu. Au fur et à mesure que l'allégorie se dissipe, on se prend à reconnaître des parents, des enfants, la mise en image d'un instant particulier. Cet instant important dans la vie de Jeanne se dépeint tel un rite de passage comme on en subit beaucoup dans l'enfance, un moment précis, symbolique et dur, dont Pistouvi est la clé. L'innocence apparente du récit laissant place à une signification plus forte et plus profonde donne à cette bande dessinée deux niveaux de lecture. Ce fait, qui pousse à la réflexion ainsi qu'à la rêverie et la nostalgie contribue avec talent à rendre la lecture aussi appropriée et agréable aux enfants qu'aux adultes, pour former un tout aussi brillant que troublant.