Si le bleu est certes une couleur froide, sa prédominance dans l’album n’est pas à l’origine des frissons qui m’ont glacé les sangs à sa lecture. Le jeune Nicolas vient d’être admis à l’hôpital pour une violente chute qui le laisse couvert d’hématomes, aphone et amnésique. A voir les adultes se succéder à son chevet et insister pour savoir comment il est tombé, on devine très vite que la chute n’était pas accidentelle. Les bleus sont les traces laissées sur une très jeune victime de maltraitance. L’enfant est-il désormais en sécurité ? On l’ignore et ce n’est pas le traitement des cases qui nous rassurera. Au contraire, le choix des cadrages, gros plans, plongées et contre-plongées associé à la narration en voix-off alimente cette atmosphère angoissante. On n'est apaisé qu'en présence du père de Nicolas dont l'amour pour son fils n'est que trop évident. Ce récit est une réédition, avec un léger retraitement des couleurs, une préface argumentant sur le bien-fondé de cette publication et un prologue dessiné adjoint, plus conforme au style graphique actuel de Will Argunas. A mon sens, c’est une très bonne chose que Marie Moinard ait convaincu Will Argunas de rééditer cet ouvrage, car ce récit est poignant tout en restant d’une pudeur exemplaire. La fin ouvre le questionnement sur l’héritage que laissent les auteurs de maltraitance. Un récit fort, un acte militant. Pour que cessent les mauvais traitements!