Qui n'a pas déjà eu la sensation de reconnaître un lieu où on vient pourtant d'arriver pour la première fois? C’est exactement ce qui arrive à Guillaume, dessinateur de BD de retour d’un festival, quand il s’arrête dans un petit hôtel au bord de la N711. Une chambre toute simple avec une gravure sépia accrochée au mur dont le titre est « Le pays du temps perdu ». Est-ce la fatigue ou autre chose qui lui fait croire être entré dans la gravure et y avoir rencontré Yoyo, gamin du village de ce pays, et son ami Beau le nain ? Etrange pays où les soldats poussent dans la terre comme des champignons et où il faut arraches les vieilles maisons pour extraire leurs racines. Ces rêves le fascinent tant qu’il va revenir encore et encore dans l’hôtel « Le temps perdu » tenu par la douce Marie… Rodolphe et Vink nous offrent là un joli album sur la mémoire et les souvenirs perdus… donc sur le temps perdu ! Joli comme le graphisme tendre et la colorisation douce de Vink qui passent du monde réel au monde rêvé sans transitions brusques. Ce pays du temps perdu semble un rêve poétique et l’on comprend que Guillaume ait tant envie d’y revenir. Rodolphe a rêvé cette histoire entre nostalgie de temps qui passe et poésie des temps anciens. Mais il y a un peu de folie dans le scénario, quelque soit la gravure visitée, qui me rappelle le village créé par Boris Vian dans « L’arrache-cœur ». Il y a le même écart entre réalité et étrangeté dans ces 2 villages imaginaires. Je vous incite à plonger dans ce pays du temps perdu où le rêve et la réalité finissent par se rejoindre. Les atmosphères poétiques et tendres sont suffisamment rares dans le monde des bandes dessinées pour rater ce rendez-vous.