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Critique de Glory

par Jack! le sam. 21 juin 2014 Staff

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En 2012, fort d'un chiffre d'affaire en hausse, Image Comics relance cinq séries du Studio Extrême appartenant au créateur (et ex-fondateur) Rob Liefeld. S'étant enfin libéré de l'emprunte 90's qui lui colle à la peau, l'éditeur décide cependant de le faire à sa façon (c'est à dire, absolument pas à celle de Liefeld) en engageant des auteurs prometteurs qui témoignent de la diversité du catalogue Image. C'est ainsi que naquit "Glory" de Joe Keatinge et Ross Campbell, aux côtés de "Prophet", "Suprême", "Blood Strike" et "Young Blood"*. Mais pour mieux parler de « Glory », il faut réviser un peu son passé éditorial. Glory est, à l'image de tous les personnages créés par Rob Liefeld, un pompage inavoué d'un héros, en l'occurrence de Wonder Woman. Il n'y a pas grand-chose à raconter sur elle entre sa création en 1993 et l'année 1999. Le célèbre Alan Moore décide alors d'adjoindre Glory à la série "Suprême"** et lui offre une continuité comme membre fondateur des Alliés en 1939, avant de plancher sur un titre régulier. Après "Judgement Day", Moore est en bonne voie de devenir le scénariste attitré d’Extrême avec trois séries à son actif: "Suprême", "Young Blood" et "Glory". C'est là qu'intervient Liefeld qui pause son veto au nez et à la barbe du Magicien de Northampton. On retiendra surtout que c'est grâce à cette mésaventure que Moore esquisse la future Promethea, symbole de la fertilité imaginaire qu'il créera au sein de son propre studio America Best Comics***, qui impactera à son tour la guerrière pratiquement vierge d’extrême (un comble pour une vieille fille de 20 ans d'éditions pour 100 ans d'histoire). Retour en 2012 avec Joe Keatinge et Ross Campbell. Glory, la guerrière mi-amazone/mi-démon conçue pour faire respecter la paix entre les deux peuples Thuliens, a disparue depuis la guerre meurtrière qui l'a opposée à son père. Intervient Riley, une jeune étudiante en journalisme dont la thèse est basée sur le mythe de Glory et qui poursuit ses rêves (littéralement) pour finalement retrouver la guerrière et son ancien alter-ego Gloria au Mont Saint-Michel. Si le point de départ vous rappelle quelque chose, c'est tout simplement que la série « Promethea » commence à peu près de la même manière. Et ce n'est pas le seul point commun que les deux héroïnes entretiennent. Comme sa sœur de ABC, Glory est entourée d'écrivains en tout genres, qu'ils soient fictifs (Maggie) ou réels (Emingway). Cependant, le modèle d'inspiration que véhicule Prometha est vite rattrapé par la triste réalité de l'archétype "Liefeldien", insipide et violent, chez Glory. La jeune Riley apprend très tôt dans le récit que ses rêves ne la destinent pas à aider Glory, mais à la stopper avant qu'elle ne commette l'irréparable. En faisant de Glory l'enjeu du récit (et non plus l'héroïne), Keatinge rappelle au caractère expéditif du héros labelisé Extreme. En définitif, on pourrait dire que, de la même manière que Glory est tiraillée entre ses origines, le scénariste la confronte à son caractère intrinsèque figé (par Rob Liefeld) et à l'évolution suggérée (par Alan Moore). Sans copier son (ex-)prédécesseur (auquel il fait référence en intégrant certains éléments des deux seuls numéros parus en 99), Keatinge s'inscrit dans un schéma de réécriture similaire, suggérant la prise de conscience (comme Suprême) pour fléchir sur son avenir. Et l'avenir, selon Keatinge et Ross, c'est de s'éloigner du comics préconçu. En déménageant l'histoire en France, ils préfigurent au sentiment "World Comics" annoncé dans l'introduction et que l'on pourrait plus facilement traduire par "bande-dessinée hybride". Dans cette optique, on peut dire de Joe Keatinge et Ross Campbell qu'ils sont complémentaires. S'étant trouvé à mi-chemin de deux cultures, en majorité européenne pour ce grand amoureux de la France qu'est Keatinge**** et d'inspiration Nippone pour Ross, ils accouchent d'une troisième qui va à contre-courant de ses contemporains. Par exemple, si les deux auteurs débutent sur une vaste guerre entre le bien et le mal, ils finissent sur une petite confrontation familiale (sur fond de crossover extra-large qui saura ravir les grands connaisseurs d'Image). En dédramatisant les grands thèmes de la série, les deux auteurs permettent la réconciliation dont seule la conclusion de ce fabuleux volume de 288 pages publié par Delcourt pourra vous dire si Glory a survécu au passage du temps, des années creuses (les 90's) à l'époque contemporaine. Pour moi, c'est un oui. _______________________________________________ * Seule série des trois qui sera entièrement supervisée par Rob Liefeld et qui ne tiendra pas plus de huit numéros. ** Autre pompage en bonne et due forme de Superman par Liefeld. La série de Alan Moore a été intégralement publiée par Delcourt en deux volumes, respectivement en 2003 et en 2009. En examinant le passage du temps (et des réécritures) sur un héros archétype des 90's, Alan Moore dévoile une nouvelle manière de travailler le comics de super-héros en maniant habillement l'hommage et la dérision de l'âge d'argent et l'aspect comics à gros budget de l'ère moderne. *** Entre autres: Tom Strong, Top 10 et la Ligue des Gentlemans Extraordinaires **** Il a d'ailleurs travaillé pour le magazine Comic Box. Il écrit actuellement la très bonne série Shutter (Image, 2014), illustrée par Leila Del Luca, qui raconte l'histoire d'une journaliste globe-trotteuse (à la Tintin) dans un monde décalé où se côtoient Horloge parlante, gang de lions irlandais et robot géant.

En bref

Une série qui a du coeur et des tripes.

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