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Critique de Sorties de secours

par Le Doc le jeu. 4 févr. 2016 Staff

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Après avoir été publié une première fois en 2011 chez Actes Sud sous le titre "Vers la sortie", le roman graphique "Special Exits" a fait son retour en librairie fin janvier dans la collection "Outsider" des Editions Delcourt, sous un nouveau titre, "Sorties de secours", et agrémenté d'une nouvelle traduction. La scénariste et dessinatrice Joyce Farmer fut l'une des premières femmes à participer au mouvement du comix underground du début des années 70 en co-créant notamment l'anthologie féministe "Tits & Clits comix" et en évoquant l'avortement dans "Abortion Eve" en 1973. Sans avoir tiré le moindre profit de son travail dans la bande dessinée underground (son titre phare, "Tits & Clits", ne connut que 7 numéros en 15 ans), Joyce Farmer quitta le milieu à la fin des années 80 et travailla comme garante de cautions judiciaires (métier spécifique aux Etats-Unis) les années qui suivirent. En 2000, l'éditeur Fantagraphics commenca à republier son travail. C'est à cette même période que Joyce Farmer reprit les crayons pour chroniquer sous la forme d'une bande dessinée les dernières années de la vie de son père et de sa belle-mère. Sous l'impulsion de son ami Robert Crumb, Joyce Farmer envoya le résultat final, qu'elle mit près de 10 ans à compléter, à Fantagraphics qui le publia en 2010. Premier roman graphique américain qui traite de la question des anciens, comme le souligne la quatrième de couverture, "Special Exits" fut récompensé par le National Cartoonists Society's Graphic Novel Award en 2011. À travers les personnages de Lars et Rachel (mais aussi de leur fille Laura, qui est littéralement son alter-ego), Joyce Farmer retrace le déclin de la santé de ses parents. À leur âge, des choses aussi simples qu'une sortie au restaurant ou des courses au supermarché ne semblent plus aller de soi, et il suffit d'un bête accident, une chute de Rachel dans la salle de bains, pour que le couple décide de ne plus sortir de chez eux. Ils ne mangent plus beaucoup, se laissent aller...la vie les quitte peu à peu sous les yeux de Laura, fille née du premier mariage de Lars, qui se dévoue à leur bien-être quitte à mettre sa propre vie de côté. Le récit est souvent assez dur, sensation renforcée par le trait cru de Joyce Farmer, tout en débordant d'amour. Il suffit d'un objet dépoussiéré pour que les souvenirs remontent et qu'on en sache plus sur la vie qu'ont mené les principaux protagonistes. Des instantanés pas toujours heureux, des non-dits qui remontent à la surface et qui peuvent toujours faire mal, mais aussi des instants de joie pure et simple, tel qu'un voyage qui rappelle de jolis souvenirs. L'auteur exprime également son opinion sur le traitement pas toujours attentionné que reçoivent les aînés en maison de repos, avec une amertume qui dénote la véracité d'une expérience personnelle. Le dessin détaillé de Joyce Farmer et la construction des pages en gaufrier de 8 cases aident à transmettre la lente détérioration de la santé de Lars et Rachel et sa narration capture parfaitement le ton des échanges entre un couple marié de longue date. Une bande dessinée exigeante et poignante, une évocation des êtres chers sans pathos ni voyeurisme. Car si "Sorties de secours" parle de cette dernière porte que l'on finit tous par prendre un jour, le livre de Joyce Farmer est aussi et surtout la célébration de deux vies longues et bien remplies.

En bref

Après avoir été publié une première fois en 2011 chez Actes Sud sous le titre "Vers la sorties", le roman graphique "Special Exits" a fait son retour en librairie fin janvier dans la collection "Outsider" des Editions Delcourt, sous un nouveau titre, "Sorties de secours", et agrémenté d'une nouvelle traduction. La scénariste et dessinatrice Joyce Farmer fut l'une des premières femmes à participer au mouvement du comix underground du début des années 70 en co-créant notamment l'anthologie féministe "Tits & Clits comix" et en évoquant l'avortement dans "Abortion Eve" en 1973. Sans avoir tiré le moindre profit de son travail dans la bande dessinée underground (son titre phare, "Tits & Clits", ne connut que 7 numéros en 15 ans), Joyce Farmer quitta le milieu à la fin des années 80 et travailla comme garante de cautions judiciaires (métier spécifique aux Etats-Unis) les années qui suivirent. En 2000, l'éditeur Fantagraphics commenca à republier son travail. C'est à cette même période que Joyce Farmer reprit les crayons pour chroniquer sous la forme d'une bande dessinée les dernières années de la vie de son père et de sa belle-mère. Sous l'impulsion de son ami Robert Crumb, Joyce Farmer envoya le résultat final, qu'elle mit près de 10 ans à compléter, à Fantagraphics qui le publia en 2010. Premier roman graphique américain qui traite de la question des anciens, comme le souligne la quatrième de couverture, "Special Exits" fut récompensé par le National Cartoonists Society's Graphic Novel Award en 2011. À travers les personnages de Lars et Rachel (mais aussi de leur fille Laura, qui est littéralement son alter-ego), Joyce Farmer retrace le déclin de la santé de ses parents. À leur âge, des choses aussi simples qu'une sortie au restaurant ou des courses au supermarché ne semblent plus aller de soi, et il suffit d'un bête accident, une chute de Rachel dans la salle de bains, pour que le couple décide de ne plus sortir de chez eux. Ils ne mangent plus beaucoup, se laissent aller...la vie les quitte peu à peu sous les yeux de Laura, fille née du premier mariage de Lars, qui se dévoue à leur bien-être quitte à mettre sa propre vie de côté. Le récit est souvent assez dur, sensation renforcée par le trait cru de Joyce Farmer, tout en débordant d'amour. Il suffit d'un objet dépoussiéré pour que les souvenirs remontent et qu'on en sache plus sur la vie qu'ont mené les principaux protagonistes. Des instantanés pas toujours heureux, des non-dits qui remontent à la surface et qui peuvent toujours faire mal, mais aussi des instants de joie pure et simple, tel qu'un voyage qui rappelle de jolis souvenirs. L'auteur exprime également son opinion sur le traitement pas toujours attentionné que reçoivent les aînés en maison de repos, avec une amertume qui dénote la véracité d'une expérience personnelle. Le dessin détaillé de Joyce Farmer et la construction des pages en gaufrier de 8 cases aident à transmettre la lente détérioration de la santé de Lars et Rachel et sa narration capture parfaitement le ton des échanges entre un couple marié de longue date. Une bande dessinée exigeante et poignante, une évocation des êtres chers sans pathos ni voyeurisme. Car si "Sorties de secours" parle de la dernière porte que l'on finit tous par prendre, le livre de Joyce Farmer est aussi et surtout la célabration de deux vies longues et bien remplies.

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