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Critique de Batman - Année 100

par Jack! le lun. 18 juil. 2016 Staff

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De tout temps, Batman a déchaîné l'imagination fertile d'auteurs qui n'ont pu s'empêcher de multiplier les versions alternatives et futuristes du personnage. Les plus connus étant certainement le “Dark Knight Returns” de Frank Miller ou Terry McGinnis, le jeune hérité de Bruce Wayne dans la série “Batman : La Relève”. Mais ils ne sont pas les seuls, la preuve avec le Batman Vampirique (“Red Rain”, 1991), le double négatif Owlman de la Terre-3 (“JLA : Autre Terre”) ou encore le Batman steampunk (“Gotham by Gaslight”, 1989). Tous (ou presque) seront d'ailleurs répertoriés par le scénariste Grant Morrison lors de sa tenure exceptionnelle sur le titre [Collection : “Grant Morrison présente Batman” chez Urban] où il n'aura de cesse de définir la longue carrière du chevalier noir sous la forme d'une chronologie pointue. De là à penser qu'il y a une corrélation entre cette multiplicité du justicier et son étonnante malléabilité, il n'y a qu'un pas. Un Batman pour chacun, en quelque sorte. Avec “Batman : Année 100” (publiée à l'époque où Morrison faisait ses débuts sur la série “Batman”), l'artiste Paul Pope s'inscrit dans la même mouvance. Il ''chronologue'' une croisade qui débute en 1939 (année qui marque la création du personnage par Bob Kane & Bill Finger), se poursuit en 1966 (période dite de la Bat-mania, notamment due au succès de la série télévisée “Batman '66”) et se termine plus ou moins avec la publication de “The Dark Knight Returns” en 1986, non sans alléguer sa suite, la décriée “The Dark Knight Strikes Back” de 2005. C'est donc comme une suite directe à l'œuvre de Frank Miller - lui-même auteur d'un certain “Batman : Année Un”, - rappelons-le - que Paul Pope développe son Batman du futur, sans pour autant renier ce qui s'est déroulé avant le maitre à penser. C'est au sein de cette continuité révisée que le lecteur redécouvre les acteurs primordiaux du mythe : Batman, croisé en mission ; le commissaire Gordon, policier en guerre contre la corruption ; et la ville de Gotham, toujours au bord du gouffre. La différence étant que ces acteurs ne savent plus trop qui ils sont dans la nouvelle société futuriste et totalitaire que décrit l'auteur, à l'instar du lecteur. Il n'est d'ailleurs pas étonnant, alors qu'on découvre le nouveau Batman, que lui-même ne se souvienne pas des derniers évènements de sa vie, amnésique à sa propre Histoire, comme une page blanche en train de s'écrire devant nos yeux. Batman (ré)apprend, comme le lecteur. Tout comme Gordon ne connait pas son propre passé ; il ne sait pas que son grand-père collaborait déjà avec le justicier de Gotham. Et lui de s'exclamer : « Je comprends enfin pourquoi. Je sais enfin. On m'a placé au GCPD en cas de besoin. » On ne change pas une équipe qui gagne. Mais avant Batman : Année 100, Paul Pope a surtout un style reconnaissable entre mille. Un style vivant, inspiré des nombreux artistes européens et asiatiques que vénère l'artiste, Otomo et Minetaro Mochizuki en premier. Il y a une certaine forme de ''jusqu'au-boutisme'' dans le trait de Pope. Les corps subissent le mouvement. Lorsque ses personnages sautent, ils semblent presque flotter dans l'espace. Lorsqu'ils retombent, la gravité s'abat sur leurs épaules au point de leur faire fléchir les genoux. Mais ses héros ne s'écrasent jamais. Ils ont beau donner l'impression d'être fatigués, au bord de la rupture, avachis, prêts à se briser dans la contorsion, leurs corps tiennent. Il y a un sentiment de vie dans le fait que le personnage bouge. C'est une bonne manière de résumer Batman : Année 100, face à une société totalitaire, Batman virevolte. Pour compléter le recueil, Urban a la bonne idée de rassembler trois courts récits de Batman conçus par Pope. Le premier s'inscrit dans la veine des Elseworld (littéralement : autre monde) en explorant l'idée d'un Batman né en Allemagne pour combattre le régime nazi. Cette histoire est importante pour deux raisons, d'abord parce qu'il s'agit du premier travail professionnel de Paul Pope et ensuite parce qu'elle informe Batman : Année 100 dans l'idée de faire un Batman à l'esthétique expressionniste tout à fait européenne ; le justicier aux crocs devant beaucoup aux Nosferatu de Murnau. Les deux autres récits, plus ou moins anecdotiques, célèbrent Robin et l'esprit revanchard de justicier de Gotham. L'album se conclut sur les pensées de l'auteur concernant “Année 100”, permettant au lecteur de suivre le cheminement de pensée lors de la conception du personnage. Ironiquement, si Batman reste une énigme dans l'histoire concoctée par Paul Pope, sa naissance n'a maintenant plus de secret pour nous, lecteur. Pour finir, si “Batman : Année 100” est loin d'être un récit au scénario complexe, c'est avant tout l'œuvre d'un auteur, une vision particulière et un grand hommage que rend l'artiste Paul Pope au célèbre héros de DC Comics et, dans une moindre mesure, à Frank Miller. C'est en définitive une œuvre esthétisante qu'on se doit de lire au moins une fois, ou de redécouvrir pour les plus chanceux.

En bref

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