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Critique de Les Gardiens de Terre-4

par Le Doc le dim. 31 déc. 2017 Staff

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Il fut un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître où l'éditeur DC Comics était coutumier du rachat des propriétés intellectuelles de maisons d'édition moribondes. C'est ainsi que le multivers DC a été enrichi de Terres peuplées de super-héros en provenance d'autres univers, tels que Captain Marvel/Shazam et sa famille (les personnages les plus célèbres de Fawcett Comics s'étaient alors établis sur la Terre-S) et les "Action Heroes" de Charlton Comics (Captain Atom, Blue Beetle, la Question, Nightshade, Peter Cannon : Thunderbolt...) ont pris leurs quartiers sur la Terre-4. Le copieux album "Les Gardiens de Terre-4", une très belle édition que l'on doit à Urban Comics, qui a eu la bonne idée d'en confier la traduction à ce spécialiste de Steve Ditko qu'est Tristan Lapoussière, est l'adaptation du recueil U.S. "Action Heroes Archive vol.2" qui regroupe les épisodes de Captain Atom, du nouveau Blue Beetle et de la Question signés par le co-créateur de Spider-Man suite à son départ de Marvel en 1966. Le responsable éditorial Dick Giordano avait créé le terme "Héros d'Action" pour désigner des super-héros qui combattaient le crime sans super-pouvoirs (il y avait tout de même quelques exceptions à cette règle). Urban a choisi le titre "Gardiens de Terre-4" pour glisser un clin d'oeil aux célèbres "Watchmen" d'Alan Moore et Dave Gibbons, modelés d'après les personnages Charlton qui étaient à la base du projet avant que Moore ne se voit retirer l'autorisation de les utiliser. Ainsi, et pour ne reprendre que les trois vedettes du tome dont il est question ici, la Question est devenu Rorschach, Blue Beetle est devenu Nite Owl et Captain Atom est devenu le Docteur Manhattan. Comme le Docteur Manhattan, Captain Atom était le héros le plus puissant de son univers. Co-créé par Steve Ditko avant son légendaire passage chez Marvel, Captain Atom ne correspondait pas vraiment au nouveau canon imaginé par Dick Giordano dans le cadre de la gamme des "Action Heroes". Mais l'éditeur ne pouvait se passer de l'un de ses personnages emblématiques et Ditko a donc eu l'idée de réduire l'étendue de sa puissance dans une aventure en deux parties qui voit Captain Atom affronter aussi bien un savant renégat que l'opinion populaire qui se retourne facilement contre ceux qui ont pu être adulés auparavant. Cette représentation de l'avis de l'homme de la rue, que l'on retrouvait aussi dans les comics Marvel, illustre bien ce mélange de peur et de fascination véhiculé par le nucléaire à l'époque. Captain Atom finit ce double épisode avec un nouveau costume et dans les numéros qui suivent combat des adversaires haut-en-couleurs aux côtés de sa partenaire Nightshade, se rend dans l'espace et explore une autre dimension, autant d'occasions pour Ditko de laisser libre cours à son talent pour l'élaboration de décors hallucinants. Tous les encreurs ne s'accordaient pas avec son style, ce qui donne certaines pages un peu plus faibles que d'autres (celles encrées par Frank McLaughlin principalement), mais il est à noter qu'un certain débutant nommé John Byrne s'est occupé de l'encrage d'une histoire restée longtemps inédite après l'annulation de la série et finalement publiée en noir et blanc dans les années 70. Une rencontre qui donne un résultat visuellement plutôt intéressant... Depuis les années 50, Charlton avait dans son catalogue les droits d'un personnage appelé le Blue Beetle, racheté à un autre éditeur, Fox Features Syndicate, chez qui il avait fait sa première apparition à la fin des années 30. Le premier Blue Beetle, Dan Garrett, tirait ses pouvoirs d'un artefact magique. Pour la gamme "Action Heroes", Steve Ditko a décidé de créer un nouveau Blue Beetle, Ted Kord, un scientifique qui a lui-même inventé son propre équipement de super-héros (dont un véhicule aux fonctionnalités assez croustillantes, le Bug). Dan Garrett n'était pas oublié pour autant puisque son sort est au coeur d'un suspense qui couvre plusieurs chapitres et qui traite, entre autres, de la difficulté d'assumer la succession d'un autre super-héros. Les aventures bondissantes du nouveau Blue Beetle ont d'abord été publiées en complément du titre de "Captain Atom" (ce qu'on appelle des back-up) avant de se poursuivre dans un comic-book dédié. Le style dynamique de Ditko y fait merveille, notamment dans les chorégraphies des scènes d'action qui ne sont pas sans rappeler les mouvements d'un certain Homme-Araignée. Et dans son dernier épisode en couleur, la série accueille un certain Vic Sage, alias la Question, dans un récit où un pan de la contre-culture des sixties en prend pour son grade. La Question est l'un des héros les plus représentatifs de l'oeuvre de Steve Ditko (qui a souvent réutilisé par la suite cette silhouette du justicier en costume et à chapeau) et des propres questionnements de l'auteur sur la société. Le principe même d'un personnage sans visage renforce le côté énigmatique de la Question et lui confère un aspect visuel immédiatement accrocheur. Vic Sage, son identité civile, est un journaliste qui n'accepte aucune compromission et met dos-à-dos aussi bien les responsabilités des criminels que celle des gens de la rue. Dans sa quête de vérité et de justice, Sage n'est pas là pour se faire des amis et lorsqu'il devient la Question, la radicalité de ses méthodes détonne dans la production super-héroïque de l'époque. Un "Action Hero" fascinant dans son genre, qui n'a connu en son temps qu'une seule longue aventure (dans les pages de "Mysterious Suspense #1) en plus des back-up du comic-book du "Blue Beetle"...avant de revenir brièvement dans les années 70 sous les crayons du grand Alex Toth dans un court épisode également inclus au sommaire de cet excellent volume qui se referme sur une postface du regretté Dick Giordano.

En bref

Il fut un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître où l'éditeur DC Comics était coutumier du rachat des propriétés intellectuelles de maisons d'édition moribondes. C'est ainsi que le multivers DC a été enrichi de Terres peuplées de super-héros en provenance d'autres univers, tels que Captain Marvel/Shazam et sa famille (les personnages les plus célèbres de Fawcett Comics s'étaient alors établis sur la Terre-S) et les "Action Heroes" de Charlton Comics (Captain Atom, Blue Beetle, la Question, Nightshade, Peter Cannon : Thunderbolt...) ont pris leurs quartiers sur la Terre-4. Le copieux album "Les Gardiens de Terre-4", une très belle édition que l'on doit à Urban Comics, qui a eu la bonne idée d'en confier la traduction à ce spécialiste de Steve Ditko qu'est Tristan Lapoussière, est l'adaptation du recueil U.S. "Action Heroes Archive vol.2" qui regroupe les épisodes de Captain Atom, du nouveau Blue Beetle et de la Question signés par le co-créateur de Spider-Man suite à son départ de Marvel en 1966. Le responsable éditorial Dick Giordano avait créé le terme "Héros d'Action" pour désigner des super-héros qui combattaient le crime sans super-pouvoirs (il y avait tout de même quelques exceptions à cette règle). Urban a choisi le titre "Gardiens de Terre-4" pour glisser un clin d'oeil aux célèbres "Watchmen" d'Alan Moore et Dave Gibbons, modelés d'après les personnages Charlton qui étaient à la base du projet avant que Moore ne se voit retirer l'autorisation de les utiliser. Ainsi, et pour ne reprendre que les trois vedettes du tome dont il est question ici, la Question est devenu Rorschach, Blue Beetle est devenu Nite Owl et Captain Atom est devenu le Docteur Manhattan. Comme le Docteur Manhattan, Captain Atom était le héros le plus puissant de son univers. Co-créé par Steve Ditko avant son légendaire passage chez Marvel, Captain Atom ne correspondait pas vraiment au nouveau canon imaginé par Dick Giordano dans le cadre de la gamme des "Action Heroes". Mais l'éditeur ne pouvait se passer de l'un de ses personnages emblématiques et Ditko a donc eu l'idée de réduire l'étendue de sa puissance dans une aventure en deux parties qui voit Captain Atom affronter aussi bien un savant renégat que l'opinion populaire qui se retourne facilement contre ceux qui ont pu être adulés auparavant. Cette représentation de l'avis de l'homme de la rue, que l'on retrouvait aussi dans les comics Marvel, illustre bien ce mélange de peur et de fascination véhiculé par le nucléaire à l'époque. Captain Atom finit ce double épisode avec un nouveau costume et dans les numéros qui suivent combat des adversaires haut-en-couleurs aux côtés de sa partenaire Nightshade, se rend dans l'espace et explore une autre dimension, autant d'occasions pour Ditko de laisser libre cours à son talent pour l'élaboration de décors hallucinants. Tous les encreurs ne s'accordaient pas avec son style, ce qui donne certaines pages un peu plus faibles que d'autres (celles encrées par Frank McLaughlin principalement), mais il est à noter qu'un certain débutant nommé John Byrne s'est occupé de l'encrage d'une histoire restée longtemps inédite après l'annulation de la série et finalement publiée en noir et blanc dans les années 70. Une rencontre qui donne un résultat visuellement plutôt intéressant... Depuis les années 50, Charlton avait dans son catalogue les droits d'un personnage appelé le Blue Beetle, racheté à un autre éditeur, Fox Features Syndicate, chez qui il avait fait sa première apparition à la fin des années 30. Le premier Blue Beetle, Dan Garrett, tirait ses pouvoirs d'un artefact magique. Pour la gamme "Action Heroes", Steve Ditko a décidé de créer un nouveau Blue Beetle, Ted Kord, un scientifique qui a lui-même inventé son propre équipement de super-héros (dont un véhicule aux fonctionnalités assez croustillantes, le Bug). Dan Garrett n'était pas oublié pour autant puisque son sort est au coeur d'un suspense qui couvre plusieurs chapitres et qui traite, entre autres, de la difficulté d'assumer la succession d'un autre super-héros. Les aventures bondissantes du nouveau Blue Beetle ont d'abord été publiées en complément du titre de "Captain Atom" (ce qu'on appelle des back-up) avant de se poursuivre dans un comic-book dédié. Le style dynamique de Ditko y fait merveille, notamment dans les chorégraphies des scènes d'action qui ne sont pas sans rappeler les mouvements d'un certain Homme-Araignée. Et dans son dernier épisode en couleur, la série accueille un certain Vic Sage, alias la Question, dans un récit où un pan de la contre-culture des sixties en prend pour son grade. La Question est l'un des héros les plus représentatifs de l'oeuvre de Steve Ditko (qui a souvent réutilisé par la suite cette silhouette du justicier en costume et à chapeau) et des propres questionnements de l'auteur sur la société. Le principe même d'un personnage sans visage renforce le côté énigmatique de la Question et lui confère un aspect visuel immédiatement accrocheur. Vic Sage, son identité civile, est un journaliste qui n'accepte aucune compromission et met dos-à-dos aussi bien les responsabilités des criminels que celle des gens de la rue. Dans sa quête de vérité et de justice, Sage n'est pas là pour se faire des amis et lorsqu'il devient la Question, la radicalité de ses méthodes détonne dans la production super-héroïque de l'époque. Un "Action Hero" fascinant dans son genre, qui n'a connu en son temps qu'une seule longue aventure (dans les pages de "Mysterious Suspense #1) en plus des back-up du comic-book du Blue Beetle...avant de revenir brièvement dans les années 70 sous le crayon du grand Alex Toth dans un court épisode également inclus au sommaire de cet excellent volume qui se referme sur une postface du regretté Dick Giordano.

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