9

Critique de New Mutants Par Claremont / Sienkiewicz

par Le Doc le jeu. 12 avril 2018 Staff

Rédiger une critique
""J'adore le boulot de Bill". "Je déteste le boulot de Bill." "Il est un don de Dieu à l'art."Mais quand est-ce que vous allez tailler son crayon ?" "Vous avez là un vrai artiste". Et les réactions sont devenues de plus en plus extrêmes. Mais les gens se sont montrés de plus en plus intéressés par le bouquin. Ils l'adoraient ou le détestaient, mais tout le monde en parlait, tout le monde était au courant. Et pour moi, c'est en grande partie ce pourquoi nous faisons ce que nous faisons. Des comics qui passionnent les lecteurs, qui les rendent enthousiastes et intéressés, qui leur donnent envie de revenir le mois prochain pour savoir ce qui se passe." Comme le montre cet extrait d'une interview de Chris Claremont datant de 1985, l'arrivée de Bill Sienkiewicz sur la série "New Mutants" au numéro 18 a déchaîné les passions. Il faut dire que la différence de style avec la première période du titre, qui a vu se succéder Bob McLeod et Sal Buscema aux dessins, était pour le moins détonante. Les lecteurs français se sont montrés également très partagés lors de la publication de ces épisodes dans le mensuel "Titans" et dans les quelques numéros que je possède, l'éditeur Lug (ou plutôt la personne qui s'occupait du courrier des lecteurs) n'a pas vraiment défendu le dessinateur (dont les pages avaient été qualifiées à un moment de "confuses"). Lug a aussi rendu la lecture confuse en censurant massivement la série (pour donner un exemple, le premier arc narratif a été réduit à une vingtaine de pages alors qu'il s'étend sur 3 épisodes) pour finir par faire l'impasse sur les derniers numéros dessinés par Sienkiewicz et suspendre la publication des "Nouveaux Mutants" pendant plusieurs mois (à la même période, Comics USA en a profité pour publier une sélection d'épisodes dans sa "collection Super-Héros"). En 2012, Panini avait tenté une première édition de la prestation de Claremont et Sienkiewicz dans les pages de la revue "X-Men Classic", mais l'arrêt prématuré du titre a empêché cette excellente initiative de se poursuivre. Ce n'était que partie remise puisque ce run historique est maintenant disponible pour la première fois en intégralité dans la collection "Marvel Icons" sous la forme d'un épais pavé de plus de 500 pages. Cet album devait à l'origine accompagner la sortie du long métrage de Josh Boone consacré aux jeunes héros. Le film a été repoussé à l'année prochaine, mais la publication a heureusement été maintenue par Panini. C'est avec "Les Nouveaux Mutants" que Bill Sienkiewicz s'est enfin éloigné de l'influence importante de Neal Adams (que l'on voyait encore sur ses "Moon Knight") pour laisser éclater sa sensibilité et sa créativité. Un style torturé, qui convient parfaitement à la transposition des troubles de l'adolescence. Il y a bien évidemment des combats dans "Les Nouveaux Mutants", beaucoup d'action échevelée, mais le titre parle aussi et surtout des émotions de personnages qui se cherchent, qui doivent encore se perfectionner, trouver leur place dans le monde. Les grandes crises n'impliquent pas pas toujours de sauver l'univers...vivre dans une école, se faire des amis, douter, aimer, c'est le quotidien des Nouveaux Mutants. La "patte" Bill Sienkiewicz est reconnaissable dès la première page du #18. Le Démon Ours, qui hantait Dani Moonstar dans les épisodes précédents et qui est responsable de la mort des parents de la jeune femme, devient nettement plus menaçant sous les crayons de Sienkiewicz (Sal Buscema l'avait représenté en un nuage cotonneux qui n'avait rien d'effrayant). Il hante les nuits de Dani, ce qui est superbement représenté par le dessinateur en ouverture de "Chasse à Mort", avec cette couverture qui ne protège pas des terreurs nocturnes. Pendant son passage sur le titre, Sienkiewicz a toujours été à son meilleur dans l'illustration des univers oniriques et mentaux et ses expérimentations ne manquent pas de trouvailles étonnantes. Et c'est pour cela que les sagas du Demon Ours (#18 à 21) et de Légion (#26 à 28), cette dernière opposant les Nouveaux Mutants au fils de Charles Xavier, font partie de mes préférées. L'arc "Légion", qui se déroule presque entièrement dans l'esprit fracturé de David Haller, laisse éclater le goût de Sienkiewicz pour les perspectives déformées et les visions surréelles et c'est particulièrement efficace. Tous les arcs au sommaire de cet "Icons" n'atteignent cependant pas ce niveau. Celui avec la Cape et l'Epée (du #23 au 25) est un peu trop long pour son propre bien et un brin confus. Il s'agit en fait de la suite d'une histoire débutée dans un annual de "Marvel Team-up" et qui est resté (pour le moment) inédit en France. Ce point n'est pas précisé et c'est d'ailleurs le principal défaut de cette édition : il n'y a pas de textes pour remettre dans le contexte de l'époque, ce qui aurait été bien utile à plusieurs reprises, notamment pour les liens avec la série "Uncanny X-Men" qui sont nombreux. Mais pas que...les derniers épisodes de l'album, de plus en plus sombres (cela m'avait d'ailleurs bien secoué dans ma prime jeunesse) sont profondément marqués par "Secret Wars II". La présence du Beyonder, entité cosmique toute puissante, était un peu trop excessive dans les comics de cette période, mais Claremont a su en tirer des éléments intéressants, notamment dans le développement de la position de Magneto en directeur d'école qui est au coeur du chapitre sur lequel se referme la lecture. Bill Sienkiewicz a quitté "Les Nouveaux Mutants" au numéro 31 pour poursuivre d'autres projets avant de revenir brièvement en tant qu'encreur pour les #35 à 38. Son remplaçant pour les #32 à 34, Steve Leialoha, n'a pas la même énergie, mais ces trois épisodes qui concluent les retrouvailles avec Karma, membre d'origine des Nouveaux Mutants que ses amis croyaient morte, sont menés à un rythme enlevé, en insistant bien sur l'aspect cauchemardesque du destin de la jeune vietnamienne et les mésententes qui ont commencé à montrer le bout de leur vilain nez entre certains membres de l'équipe. La différence physique de Karma entre les épisodes #34 et 35 vient du fait qu'une aventure en Asgard s'intercale entre ces deux numéros. Encore une fois, il n'y pas de matériel éditorial pour expliquer cela aux lecteurs qui découvriraient ces épisodes avec cet album. C'est dommage, mais je n'ai pas boudé mon plaisir en replongeant dans cette époque importante pour les Nouveaux Mutants, bien représentative de l'écriture de Chris Claremont (avec ses qualités aussi bien que ses défauts). J'ai redécouvert certains épisodes sans coupures, j'en ai découvert d'autres (les inédits et ceux que je n'avais pas lu dans les années 80 car je n'ai pas tous les Titans) et surtout, je me suis régalé avec la partie graphique signée Bill Sienkiewicz. Bref, un excellent et hautement appréciable retour vers le passé !

En bref

""J'adore le boulot de Bill". "Je déteste le boulot de Bill." "Il est un don de Dieu à l'art."Mais quand est-ce que vous allez tailler son crayon ?" "Vous avez là un vrai artiste". Et les réactions sont devenus de plus en plus extrêmes. Mais les gens se sont montrés de plus en plus intéressés par le bouquin. Ils l'adoraient ou le détestaient, mais tout le monde en parlait, tout le monde était au courant. Et pour moi, c'est en grande partie ce pourquoi nous faisons ce que nous faisons. Des comics qui passionnent les lecteurs, qui les rendent enthousiastes et intéressés, qui leur donnent envie de revenir le mois prochain pour savoir ce qui se passe." Comme le montre cet extrait d'une interview de Chris Claremont datant de 1985, l'arrivée de Bill Sienkiewicz sur la série "New Mutants" au numéro 18 a déchaîné les passions. Il faut dire que la différence de style avec la première période du titre, qui a vu se succéder Bob McLeod et Sal Buscema aux dessins, était pour le moins détonante. Les lecteurs français se sont montrés également très partagés lors de la publication de ces épisodes dans le mensuel "Titans" et dans les quelques numéros que je possède, l'éditeur Lug (ou plutôt la personne qui s'occupait du courrier des lecteurs) n'a pas vraiment défendu le dessinateur (dont les pages avaient été qualifiées à un moment de "confuses"). Lug a aussi rendu la lecture confuse en censurant massivement la série (pour donner un exemple, le premier arc narratif a été réduit à une vingtaine de pages alors qu'il s'étend sur 3 épisodes) pour finir par faire l'impasse sur les derniers numéros dessinés par Sienkiewicz et suspendre la publication des "Nouveaux Mutants" pendant plusieurs mois (à la même période, Comics USA en a profité pour publier une sélection d'épisodes dans sa "collection Super-Héros"). En 2012, Panini avait tenté une première édition de la prestation de Claremont et Sienkiewicz dans les pages de la revue "X-Men Classic", mais l'arrêt prématuré du titre a empêché cette excellente initiative de se poursuivre. Ce n'était que partie remise puisque ce run historique est maintenant disponible pour la première fois en intégralité dans la collection "Marvel Icons" sous la forme d'un épais pavé de plus de 500 pages. Cet album devait à l'origine accompagner la sortie du long métrage de Josh Boone consacré aux jeunes héros. Le film a été repoussé à l'année prochaine, mais la publication a heureusement été maintenue par Panini. C'est avec "Les Nouveaux Mutants" que Bill Sienkiewicz s'est définitivement éloigné de l'influence importante de Neal Adams (que l'on voit encore sur ses "Moon Knight") pour laisser éclater sa sensibilité et sa créativité. Un style torturé, qui convient parfaitement à la transposition des troubles de l'adolescence. Il y a bien évidemment des combats dans "Les Nouveaux Mutants", beaucoup d'action échevelée, mais le titre parle aussi et surtout des émotions de personnages qui se cherchent, qui doivent encore se perfectionner, trouver leur place dans le monde. Les grandes crises n'impliquent pas pas toujours de sauver l'univers...vivre dans une école, se faire des amis, douter, aimer, c'est le quotidien des Nouveaux Mutants. La "patte" Bill Sienkiewicz est reconnaissable dès la première page du #18. Le Démon Ours, qui hantait Dani Moonstar dans les épisodes précédents et qui est responsable de la mort des parents de la jeune femme, devient nettement plus menaçant sous les crayons de Sienkiewicz (Sal Buscema l'avait représenté en nuage cotonneux qui n'avait rien d'effrayant). Il hante les nuits de Dani, ce qui est superbement représenté par le dessinateur en ouverture de "Chasse à Mort", avec cette couverture qui ne protège pas des terreurs nocturnes. Pendant son passage sur le titre, Sienkiewicz a toujours été à son meilleur dans l'illustration des univers oniriques et mentaux et ses expérimentations ne manquent pas de trouvailles étonnantes. Et c'est pour cela que les sagas du Demon Ours (#18 à 21) et de Légion (#26 à 28), cette dernière opposant les Nouveaux Mutants au fils de Charles Xavier, font partie de mes préférées. L'arc "Légion", qui se déroule presque entièrement dans l'esprit fracturé de David Haller, laisse éclater le goût de Sienkiewicz pour les perspectives déformées et les visions surréelles et c'est particulièrement efficace. Tous les arcs au sommaire de cet Icons n'atteignent cependant pas ce niveau. Celui avec la Cape et l'Epée (du #23 au 25) est un peu trop long pour son propre bien et un brin confus. Il s'agit en fait de la suite d'une histoire débutée dans un annual de "Marvel Team-up" et qui est resté (pour le moment) inédit en France. Ce point n'est pas précisé et c'est d'ailleurs le principal défaut de cette édition : il n'y a pas de textes pour remettre dans le contexte de l'époque, ce qui aurait été bien utile à plusieurs reprises, notamment pour les liens avec la série "Uncanny X-Men" qui sont nombreux. Mais pas que...les derniers épisodes de l'album, de plus en plus sombres (cela m'avait d'ailleurs bien secoué dans ma prime jeunesse) sont profondément marqués par "Secret Wars II". La présence du Beyonder, entité cosmique toute puissante, était un peu trop excessive dans les comics de cette période, mais Claremont a su en tirer des éléments intéressants, notamment dans le développement de la position de Magneto en directeur d'école qui est au coeur du chapitre qui conclut la lecture. Bill Sienkiewicz a quitté "Les Nouveaux Mutants" au numéro 31 pour poursuivre d'autres projets avant de revenir brièvement en tant qu'encreur pour les #35 à 38. Son remplaçant pour les #32 à 34, Steve Leialoha, n'a pas la même énergie, mais ces trois épisodes qui concluent les retrouvailles avec Karma, membre d'origine des Nouveaux Mutants que ses amis croyaient morte, sont menés à un rythme enlevé, en insistant bien sur l'aspect cauchemardesque du destin de la jeune vietnamienne et les mésententes qui ont commencé à apparaître entre certains membres de l'équipe. La différence physique de Karma entre les épisodes #34 et 35 vient du fait qu'une aventure en Asgard s'intercale entre ces deux numéros. Encore une fois, il n'y pas de matériel éditorial pour expliquer cela aux lecteurs qui découvriraient ces épisodes avec cet album. C'est dommage, mais je n'ai pas boudé mon plaisir en replongeant dans cette époque importante pour les Nouveaux Mutants, bien représentative de l'écriture de Chris Claremont (avec ses qualités aussi bien que ses défauts). J'ai redécouvert certains épisodes sans coupures, j'en ai découvert d'autres (les inédits et ceux que je n'avais pas lu dans les années 80 car je n'ai pas tous les Titans) et surtout, je me suis régalé avec la partie graphique signée Bill Sienkiewicz. Bref, un excellent retour vers le passé !

9
Le Doc Suivre Le Doc Toutes ses critiques (1585)
Boutique en ligne
36,95€
Boutique en ligne
36,95€
Boutique en ligne
36,95€
Boutique en ligne
36,95€
Laissez un commentaire
Commentaires (0)