Critique de La Trilogie de la Citadelle
par P'tit Citron le sam. 30 juin 2018 Staff
Rédiger une critiqueCritique des deux premiers tomes de La Trilogie de la Citadelle
Début du 20e siècle, Hong Kong est sous contrôle britannique, de même
que la ville de Kowloon. La Citadelle, foyer des évadés, des pauvres et
des invisibles, est havre d'étrangetés où nul n'ose s'aventurer. Nous
suivons Song, un jeune facteur qui va de fil en aiguille se retrouver à
fréquenter la Citadelle pour livrer des lettres mortes...
Entre bande
dessinée et roman graphique, La Trilogie de la Citadelle est une œuvre
sortant de l'ordinaire à l'ambiance tantôt légère tantôt pesante...
L'ESCALIER VERS LES NUAGES BLEUS
C'est
le premier livre de la trilogie. C'est de là que nous commençons notre
lecture, et pour être honnête, c'est assez déstabilisant. La narration
détruit tous les codes habituels, et se moque presque qu'il y ait une
trame scénaristique, un fil conducteur... Non, les évènements arrivent
et se passent, et nous sommes spectateurs, sans même forcément tout
comprendre. C'est une sorte de narration contemporaine volontairement
vague, aux aspects plutôt poétiques... Les graphismes vont également
dans le même sens. Ils sont très particuliers ; minimalistes,
inexpressifs et difformes ; étranges... Je ne les trouve pas très
esthétiques, mais ce ne sont que mes goûts personnels. Ce que j'ai pu
remarquer de surprenant et de bon, c'est la présence de tas de petits
détails en arrière-plan des planches, pleines de vie. On voit souvent la
population s'occuper de leurs petites affaires par exemple. Mais pas de
façon basique, simplement pour remplir le fond des cases ; non,
certaines pages sont vraiment comme des spectacles à la mise en scène
très spéciale mais dont on aimera découvrir toutes les facettes les plus
étonnantes...
Parlons un peu des personnages... Nous avons une
grande panoplie de personnages secondaires, tous différents les uns des
autres, et tous intéressants ; mais je vous laisserai les découvrir par
vous-même. Celui que nous verrons au premier plan, presque celui à qui
nous empruntons les yeux pour découvrir cette histoire, c'est Song. On a
beaucoup de mal à le cerner au début, comme la plupart des autres
personnages d'ailleurs, mais nous apprendrons à le connaître petit à
petit, au fil des chapitres... Il est jeune et un peu maladroit, mais
il cache un caractère gentil et passionné. Passionné pour son travail, pour
sa famille, ses amis, les gens et la vie de manière générale. Il n'a
pas une personnalité très extravagante, mais c'est, je pense, un bon
personnage principal...
Au final, ce premier volume nous surprend
beaucoup, nous trouble même. Pendant longtemps, la lecture sera
difficile et déroutante, peut-être ennuyeuse aussi, mais si on arrive à
se faire au caractère unique, bizarre même de l’œuvre, on s'étonnera à
apprécier sa lecture...
RIVES D'AUTOMNE
La
saison des pluies est finie ; les parapluies sont remplacés par des
ombrelles... Du moins c'est ce que l'on raconte, car nous, nous sommes
plongés dans le noir des nuits de Hong Kong, là où règnent marchés
underground et affaires douteuses... Des enfants sont enlevés à leurs
parents, pour être vendus à de riches familles. Un business frauduleux
aux nombreux visages. Song, qui se retrouve au cœur des problèmes, va
enquêter et faire tout ce qui est en son pouvoir pour sauver ces
enfants...
Ce deuxième volet est très différent du premier, en commençant par les graphismes. Ceux-ci deviennent bien plus réalistes et détaillés, utilisant des couleurs pâles, contrairement à L'Escalier Vers les Nuages Bleues qui était peint de couleurs vives. Dans les deux cas, c'est probablement un choix des auteures pour mieux marier l'ambiance générale du récit, qui change également entre les deux volumes. Toujours est-il que ce nouveau style est bien plus esthétique et agréable à l’œil, de mon point de vue. Mais ce changement soudain n'est pas que bénéfique ; en effet, on aura du mal, pendant quelques chapitres, à discerner et différencier certains personnages...
Le premier tome était très introductif et ne développait aucun réel scénario. Celui-ci construit une ligne directrice, et a comme intention de nous montrer des choses, de nous illustrer une histoire et ses péripéties. Bien sûr, il garde son côté contemplatif. C'est un développement que j'apprécie, mais qui reste plus ou moins hasardeux, et surtout compliqué. J'ai eu du mal, durant toute ma lecture, à comprendre certaines choses. Par exemple, quelques très bons flash-back peints en noir & blanc nous permettent d'en apprendre plus sur certains personnages, et notamment Simbis, le gardien de la Citadelle, qui va être beaucoup mis en avant dans ce volume. C'est très bien, seulement, on aura pendant un moment du mal à faire le lien entre les différents évènements du passé et du présent... Il se passe tellement de choses, il y a tellement de personnages, et nous avons si peu de repères que nous nous perdons facilement...
En parlant de repères, il y a une chose que j'ai noté qui m'a paru bien étrange mais assez amusante : les repères temporels. Nous avons souvent droit à des annotations du genre «3500 jours depuis le premier jour de travail de Song», et cela à des moments plus ou moins aléatoires. C'est comme pour nous faire comprendre qu'il ne sert à rien de nous situer dans le temps...
Autre différence marquante entre les deux tomes : on ne suit plus le récit des yeux de Song. L'histoire se détache du jeune facteur, pour au final nous faire voyager dans le temps et l'espace, et nous montrer différentes scènes importantes à la continuité et au développement du scénario. En plus de contribuer au bon déroulement du récit, cela permet de développer d'autres personnages, comme Simbis cité plus haut...
BILAN
La Trilogie de la Citadelle, c'est ce genre d’œuvre très particulière qu'il faut lire dans son intégralité pour en percevoir toutes les facettes et les plus belles. Les deux auteures aux styles si uniques jouent beaucoup sur la marginalité de leur œuvre pour briser les codes et créer une atmosphère hypnotisante. Tandis que le premier volume, peint de traits minimalistes et de couleurs vives, introduit les personnages et les bases du récit ; le second, minutieusement illustré et pourvu de couleurs pâles, développe ses acquis et affirme le ton sérieux et grave de son scénario... J'ai hâte de découvrir la suite et fin de cette trilogie, mais je pense déjà que c'est une œuvre qui mérite une certaine curiosité, si ce n'est plus encore...
En bref
Les deux premiers opus de La Trilogie de la Citadelle sont très surprenants, et de bien des manières. On est lâché dans ce récit de poésie contemporaine, sans attache ni repère. C'est très déstabilisant au début, mais si l'on s'habitue au caractère particulier de l’œuvre, on se surprendra vite à apprécier sa lecture. Les deux auteures se jouent parfaitement bien des styles et des codes pour favoriser la marginalité et l'unicité de leur projet... Entre conte moderne et récit historique ; entre bande dessinée et roman graphique ; La Trilogie de la Citadelle est jusque-là une œuvre qui mérite au moins la curiosité de ses lecteurs.
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