Interview : Céline Fraipont (Le muret)

Céline Fraipont répond à nos questions sur la sortie, chez Casterman, de « Le muret », dont elle signe le scénario. Son ami, Pierre Bailly se charge des dessins.

 


BDS : Bonjour Céline Fraipont et merci de nous accorder un peu de votre temps pendant ce festival.

Céline Fraipont : Mais de rien ! C’est un plaisir. Merci à vous de vous intéresser à notre travail.

 

BDS : Votre association avec Pierre Bailly ne date pas d’hier. On vous doit la très colorée série jeunesse « Petit Poilu », de la collection Puceron éditée par Dupuis. On vous retrouve aujourd’hui pour un roman graphique à des années-lumière de l’univers auquel vous nous avez habitués. D’ailleurs si vos noms n’étaient pas sur la couverture, je n’aurai jamais cru qu’il était de vous. Alors Céline, dites-nous : que s’est-il passé ?

Céline Fraipont : (rires) Justement, en fait, on avait envie de contrecarrer un peu notre travail habituel. On a lancé la série Petit Poilu en 2005, ça fait quand même un moment. La série roule bien. Nous, dans notre travail, on est sur des rails aussi et donc, même en sortant deux Petit Poilu par an, il y avait quand même des moments où j’avais des ouvertures pour replonger dans autre chose et j’avais envie d’écrire des dialogues, des textes. Et j’avais envie aussi de me mettre dans une histoire beaucoup plus sombre et du coup, comme ça, par ci par là, je me suis plongée dans l’écriture du Muret en fait. Et on avait tous les deux ce désir de sortir un peu du carcan de Petit Poilu, que ce soit moi au niveau des histoires ou que ce soit Pierre au niveau de son dessin.

 

BDS : En quelques mots, le muret c’est l’histoire d’une adolescente qui part à la dérive même si la fin laisse augurer des jours meilleurs pour Rosie, pouvez-vous nous expliquer pourquoi une adolescente ?

Céline Fraipont : J’avais envie tout d’abord de raconter une histoire sombre comme je vous l’ai dit. Mais une histoire dérangeante aussi. J’avais envie d’une histoire qui crée une sorte de trouble. Comme dans le travail de Petit Poilu on était dans une histoire implacable, de très carrée, de très limpide, j’avais envie d’une histoire obscure et troublante. J’ai donc commencé à réfléchir à tout ça.

J’ai eu moi-même une adolescence assez forte. Il y a des liens entre mon adolescence et celle de Rosie, maintenant, ce n’est pas autobiographique. J’ai pris des éléments dans ma propre existence, j’ai retravaillé tout ça, j’ai enlevé des choses, rajouté d’autres au service d’une histoire forte.

C’est vrai que l’adolescence est une période de l’existence que je trouve très riche et j’avais envie de me remettre là-dedans. Rosie a treize ans dans le livre. C’est l’âge idéal pour moi parce qu’à treize ans, on a encore un pied dans l’enfance je trouve, et l’autre pied dans l’adolescence, vers l’âge adulte. C’est vraiment cette espèce de coupure en fait du personnage dans sa personnalité, dans sa construction mais aussi physique. Je trouve que Pierre a bien rendu  dans le livre son côté parfois enfant et par moments elle a un côté un peu plus ado, un peu plus femme et en fait c’est cette scission-là que je trouvais chouette. Donc, je n’aurai pas pu lui donner seize ans car à ce moment-là elle aurait déjà été dans autre chose.

 

 

BDS : A quel public pensez-vous vous adresser parce que c’est certes une histoire d’adolescente, mais n’est-elle pas plutôt destinée à un public adulte ?

Céline Fraipont : C’est clairement destiné à un public adulte. Il y a des gens qui me demandent si leur fille de quatorze ans peut le lire, là je dis « Oh lala, lisez-le d’abord et vous verrez après » parce qu’en fait ça dépend des personnes, des enfants ais c’est quand même une histoire fort dure et même si elle parle d’adolescence, elle s’adresse à un public adulte, aux vieux adolescents (rires) parce que ça peut quand même être un choc je crois. A des âges où on est un peu fragile, ça me semble un peu tôt quoi.

 

BDS : Quand on écrit « le muret », quand on écrit cette histoire, qu’est-ce qu’on écoute comme musique ? The Cure ?

Céline Fraipont : Honnêtement oui, il y a des moments où je me suis plongée dans les musiques qui sont citées dans l’album. L’aspect musical c’était d’abord parce que j’aime beaucoup ça, Pierre aussi. La musique a baigné ma propre adolescence et ça continue à l’âge adulte ais c’est aussi parce qu’il fallait  planter le personnage de Jo, qui est un personnage un peu parallèle, anarchique, qui est dans des réseaux alternatifs et donc pour sentir ça chez lui, c’était bien de l’encadrer de toute cette atmosphère, de ce milieu, avec ses potes, les concerts…

 

BDS : « Le muret » ressemble par moment à un journal intime avec l’utilisation d’une voix-off mais aussi, vous en avez parlé, d’incidence du réel, aussi, je m’interroge : y avait-il réellement un muret derrière votre terrain de basket?

Céline Fraipont : Oui il existe vraiment. Je pense que ça fait partie des lieux où on peut se retrouver quand on est ado. On reste des heures parfois. Il y a un va-et-vient de gens qui arrivent, d’autres qui partent. C’est des lieux très forts. Parfois on y vit des premiers baisers, des premiers pétards, es premières cuites. Je crois que tout le monde a en tête un lieu comme ça : un banc, un muret, un recoin, des marches d’escaliers, que sais-je, un lieu où les émotions ont été très fortes dans la vie.

Et je trouve ça chouette aussi cette dualité entre la brique – le côté dur, rêche et solide : elle s’assied sur le muret et marche dessus – et à la fois toute a fragilité de ce qui s’y passe ne fait. C’était une chouette idée aussi à mettre en scène graphiquement : c’est beau un mur en fait. Et dans l graphisme, dans l’imagerie punk, on retrouve aussi beaucoup les murs : Pink Floyd, les Ramos, des murs remplis de tags. Il y a avait un côté qui cadrait super bien avec l’atmosphère du livre en fait.

 

BDS : Donc le mur existe vraiment, mais le titre, lui, il s’est imposé à vous ou vous l’aviez déjà en tête ?

Céline Fraipont : Non, il s’est imposé au fil de l’histoire. Il est très présent : elle retrouve sa copine sur le muret, elle est en haut, il est en bas du mur, il la rejoint sur le muret, elle en descend pour le suivre. Et puis, Pierre a très bien rendu notamment le passage de fin lorsqu’elle se retrouve face à cette masse de briques. C’est très poétique en fait.

 

BDS : Avez-vous déjà tourné le dos au muret et replongé dans un nouveau projet ?

Céline Fraipont : Avec Pierre, nous sommes sur le tome 15 du Petit Poilu. On devrait le boucler dans un mois. Et puis je suis en train de travailler sur un autre scénario, j’arrive plus ou moins au bout de l’écriture. Après il y aura tout le travail de storyboard etc…

 

BDS : Et pouvez-vous nous souffler quelques mots sur ce scénario nouveau ?

Céline Fraipont : Il va certainement bouger. Mais c’est pour l’instant une sorte de suspense campagnard avec deux personnages qui se trouveront réunis dont un jeune, un adolescent de dix-sept, dix-huit ans. Ce sera une histoire assez tendue aussi, avec une grosse charge émotionnelle mais je ne peux pas en dire plus actuellement…

 

BDS : Céline Fraipont, merci de nous avoir accordé du temps pour répondre à nos questions.

Céline Fraipont : Merci à vous, ce fut un plaisir.

 

Interview réalisée par Lauriane et Lison.

Source:

Lauriane et Lison

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