FROM THE VAULT : BLACKWULF

Photonik déterre des héros oubliés en commençant par la série Black wulf !

Pour cette chronique, je propose que l'on se penche sur le cas de personnages et / ou de minis (voire de séries "illimitées", si un cas s'y prête...) un peu tombés dans l'oubli, un peu sortis des radars des lecteurs, à plus forte raison les plus récemment plongés dans le bain des comic-books. La chronique est ouverte à toutes les bonnes volontés (et les bonnes idées), est-il nécessaire de le préciser...
Avant de se pencher sur une mini-série datant de 1990 et mettant en scène le Foolkiller, création de Steve Gerber à la manoeuvre sur cette reprise du concept, voyageons un peu moins loin dans le temps, plus précisément en 1994. Cette année voit la naissance de Blackwulf, un nouveau personnage Marvel à une période particulièrement peu fertile en la matière pour la Maison des Idées.



BLACKWULF

(Glenn Herdling / Angel Medina)

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Comme l'annonce fièrement l'accroche présente sur la couverture du premier numéro, Blackwulf est censé représenter "la prochaine génération de héros", autrement dit le futur de Marvel. Echec sur toute la ligne, c'est rien de le dire : peu de lecteurs se souviennent de la série Blackwulf, emballée en dix petits numéros, qui se serait peut-être prolongée en cas de succès. Las, il n'en sera rien. Rarement une création Marvel se sera faite aussi discrète par la suite, à peine une mention dans la période post-Civil War, durant l'Initiative.
Comme nous vivons à une époque où plus rien n'est définitivement intraçable, il se trouvera quelques forums de fans pour citer ce titre oublié, en général en des termes très peu élogieux. Souvent considéré comme une réponse maladroite à la vague initiée par les comics Image, Blackwulf passe pour une sous-grim n'gritterie typique de son époque. La tapageuse couverture du premier numéro (et du second...) n'aide pas.
Et pourtant, rien de plus faux. Le titre s'inscrit au contraire dans une tradition de la Maison aux Idées qui renvoie plutôt aux fantasques années 60 et 70 qu'aux mornes années 90.

Aux manettes, un quasi-inconnu au scénario et une petite star de son époque aux dessins : Glenn Hardling et Angel Medina. Ce dernier s'est illustré sur les titres liés à Adam Warlock, chapeautés par Jim Starlin, et se fera aussi remarquer sur Hulk (auquel son style outré convient parfaitement). On le retrouvera plus tard chez Image sur Sam and Twitch, puis sur la série-mère Spawn. Récemment ce dessinateur très doué pour les scènes d'actions "maousses" et ultra-dynamiques s'est fait plus discret.
Le premier, Hardling, a quant à lui rédigé quelques scripts pour les Avengers, ainsi qu'un spin-off de ThorThunderstrike. Il profite d'ailleurs de ces deux occasions pour "teaser" sur l'apparition de sa création, Lucian alias Blackwulf. Il conçoit le titre avec Ralph Macchio, éditeur du titre très impliqué sur le plan créatif. Medina se charge du design des (nombreux) personnages de la saga, avec un petit coup de main de Scott McDaniel (qui travaillera sur Daredevil à peu près à la même époque).



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Lucian est le fils de Lord Tantale, un Déviant surpuissant originaire de la planète Armechadon, souverain de six mondes. Tantale, secondé par son "beau-père" le Mage Khult, est "caché" sur Terre en attendant de retourner sur son monde d'origine pour préparer la conquête de la Terre, sa septième conquête. Lucian et son frère aîné Pelops luttent au service de leur père contre l'Underground Legion, un groupe de rebelles opposés au règne de Tantale sur leur peuple. Ils sont menés par Blackwulf, un guerrier masqué symbole de la résistance à Tantale. 
Il s'avère que Blackwulf n'est autre que Pelops, qui convainc au seuil de la mort son frère Lucian de reprendre le flambeau, et la tête de la résistance. Problème : les membres de l'Underground Legion (Mammoth, un colosse tout sauf bête, Toxin, un "empoisonneur" déviant, Sparrow, agent terrestre rallié à la cause des rebelles, Touchstone, une anomalie temporelle, et Wildwind, sorte de Tornade du groupe) le détestent cordialement, surtout Sparrow, amoureuse de Pelops et convaincue de la culpabilité de Lucian dans sa mort.
Si les hostilités débutent sur Terre, le champ de bataille ne va pas tarder à se déplacer sur Armechadon, foyer de Tantale...

Il faut deux épisodes à Hardling et Medina pour planter le décor, de manière concise et efficace, sur la base d'une trame pas forcément transcendante d'originalité mais porteuse de nombreuses pistes. Contrairement à sa triste réputation, le titre est tout sauf "grim n'gritty" : fun, rythmé, coloré, sachant verser dans le drame à l'occasion mais toujours à bon escient, Blackwulf est un vrai plaisir de lecture au feeling très "seventies", sans compter que Hardling ne manque pas d'ambition.
Ainsi, de façon très astucieuse et "planifiée", le scénariste plante durant l'exposition les graines de développements scénaristiques qui porteront leurs fruits (les relations complexes et mystérieuses entre divers personnages) à l'occasion de la dernière ligne droite du titre, la meilleure partie du récit, sans nul doute. Les personnages, nombreux, sont caractérisés plutôt subtilement, voire avec quelques idées très fraîches, comme ce Mammoth très réussi, cassant l'image de "l'homme fort" du groupe puisqu'il est aussi le leader sur le terrain et le stratège (il y a du Ben Grimm de la grande époque dans ce personnage), ou Sparrow, dont la caractéristique est de vouloir la mort du personnage-titre quand bien même elle combat à ses côtés...
Blackwulf lui-même est traité originalement ; c'est un drôle de héros. Très effacé, il n'est d'abord qu'un ersatz du véritable Blackwulf, pas vraiment à la hauteur à ses débuts. Il passera l'essentiel des 10 épisodes, d'ailleurs, à en prendre plein la poire sans trop pouvoir y faire grand chose. Et s'il est plus actif à la fin du récit, c'est peut-être tout simplement car il n'est que la marionnette d'une manipulation qui le dépasse...

Hardling choisit aussi, très judicieusement, d'ancrer son titre très profondément dans la continuité Marvel, s'accaparant des concepts plutôt sous-exploités et pourtant très porteur, comme ce retour sur les expériences des Célestes, et leurs conséquences sur les mondes visités, en faisant l'origine de "l'instabilité génétique" du héros et de son père/ennemi, et donc moteur de l'histoire. 
Il brode ainsi autour de l'existence d'une race cachée de Skrulls "normaux" (est-il le premier d'ailleurs ?), sachant que ceux que l'on connaît (les métamorphes) sont en fait les Déviants de leur monde... Des pistes passionnantes, peu ou pas reprises, évidemment.



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Il est cependant dommage qu'Hardling, après une entame efficace, lambine un peu pour vraiment faire décoller son intrigue. Il perd ainsi du temps dans deux sous-intrigues pas forcément transcendantes, l'une concernant Ultron (pas vraiment à son avantage à l'époque...) et l'autre concernant Scorch, un nouveau vilain peu charismatique (un décalque de Pyro de la Confrérie des Mauvais Mutants). Ces épisodes "transitoires" lui permettent cependant d'étoffer les rangs de son équipe de héros, y intégrant la Sentinelle Kree 459 (ce qui nous vaudra l'apparition de Hank Pym des Avengers en mode Giant-Man) et le fameux Skrull "normal" (mais mutant, en fin de compte).
Les 4 derniers chapitres de la saga sont beaucoup plus denses et excitants, étant donné qu'ils marquent une brusque accélération de l'intrigue (fin programmée du titre oblige ?). Blackwulf/Lucian y affronte le très puissant Godstalker, laquais des Célestes qui le prend pour Tantale, pendant que tous les autres protagonistes se rendent sur Armechadon pour la grande confrontation finale. A partie de là, Hardling multiplient les retournements et les coups de théâtre, capitalisant intelligemment sur sa mise en place. 
Très impressionnant, le dernier épisode clôt l'intrigue de manière survoltée, en un combat final désespéré qui laisse des traces (un peu comme sur le final de L'Escadron Suprême de Gruenwald, dont l'ombre plane aussi sur le titre d'ailleurs). Toutes les sous-intrigues ne sont pas résolues, ce qui contribue paradoxalement au charme du titre (certaines révélations à moitié formulées par l'auteur peuvent être déduites par le lecteur, comme la relation Mammoth / Wraath, ou celle entre le docteur Caitlin Maddox et Nirvana, l'épouse de Tantale et mère du héros).



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Blackwulf n'est peut-être pas le plus grand titre Marvel des trente dernières années (et loin s'en faut), mais il vaut bien mieux que sa triste (et totalement infondée) réputation ne le laisse entendre. Tendue mais drôle, pêchue sans reculer devant une certaine solennité un peu grandiloquente parfois, la série demeure une belle tentative (avortée) d'extension intelligente et respectueuse de certains pans de l'univers Marvel en déshérence.

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