Retour vers le passé : Batman (1943)

 

REALISATEUR

Lambert Hillyer

SCENARISTES

Victor McLeod, Leslie Swabacker et Harry L. Fraser, d’après les personnages créés par Bob Kane et Bill Finger

DISTRIBUTION

Lewis Wilson, Douglas Croft, J. Carrol Naish, Shirley Patterson, William Austin…

INFOS

Serial américain
Genre : action/aventures
Année de production : 1943

Il n’a pas fallu attendre longtemps pour que le cinéma s’empare des personnages de comics…mais pas pour des productions à gros budget. Pendant une décennie, les super-héros ont en effet fait le bonheur des amateurs de serials, ces “films à épisodes” très cheap projetés en avant-programme des séances principales avec les dessins animés, les publicités et les infos de la semaine. J’ai d’ailleurs toujours pensé que le format serial (12 à 15 épisodes, une vingtaine de minutes pour le premier chapitre afin de présenter l’intrigue, environ 15 mn pour les suivants) était bien adapté à la nature feuilletonesque des comics. Mais les serials n’avaient pas que des qualités, loin de là…

Leur structure même les rend terriblement répétitifs pour qui oserait regarder plusieurs épisodes d’une traite (j’ai déjà essayé et maintenant quand j’en regarde un, c’est à petites doses). Pour tenir en haleine le spectateur et l’obliger à revenir au cinéma la semaine suivante (ce qui n’était pas toujours le cas), chaque segment se termine par un cliffhanger (la série TV de 1966 saura se rappeler de cette tradition)…et il ne fallait souvent pas être très regardant sur la continuité pour accepter la résolution qui se trouve au début du chapitre suivant. Mais cela occasionne aussi des péripéties amusantes quand le réalisateur joue avec le montage pour proposer un autre regard sur la situation dangereuse dans laquelle sont plongés les héros.

Les serials pouvaient être aussi un peu trop longs pour leur propre bien…et nom d’un navet, que le Batman de Lambert Hillyer, un artisan de la série B qui tournait du western au kilomètre (jusqu’à 9 ou 10 par an dans les années 30 et 40), semble interminable parfois !

 

 

Le premier super-héros adapté au cinéma fut le Captain Marvel de Whiz Comics en 1941. Un autre personnage de la même maison d’édition, Spy Smasher, a suivi en 1942 puis la Columbia a obtenu les droits de porter à l’écran les aventures de BatmanSuperman avait bien failli inaugurer cette liste en 1940, mais les négociations avec National Comics (futur DC Comics ) avaient échoué. Le kryptonien avait donc du attendre 1948 pour obtenir son premier serial. Aux origines du projet Batman, le méchant devait être le Joker. Le comédien J. Carrol Naish (Capitaine BloodLa Maison de Frankenstein…) avait été engagé pour incarner le clown prince du crime, comme le montre l’une des premières affiches promotionnelles (voir image ci-dessus). Mais l’actualité du moment en a décidé autrement et a motivé une massive réécriture du scénario…

Pour entretenir l’effort de guerre et le sentiment patriotique, Batman et Robin sont devenus des agents du gouvernement. Exit le Joker, donc…le principal antagoniste du dynamique duo est ici le Dr Daka, un agent japonais qui dirige une organisation de saboteurs (des criminels américains motivés par l’appât du gain) caché dans un parc d’attractions. La représentation de la menace est terriblement datée et outrageusement raciste : dès les premières minutes, la narration justifie l’internement des “japonais au regard fuyant” dans des camps par le gouvernement américain et Batman traite plusieurs fois Daka de “sale jap’” (avec des variations, comme “sale démon jap’”) lorsqu’ils se font finalement face dans le dernier épisode.

 

 

Pendant 15 chapitres, Batman et Robin vont tenter d’empêcher Daka, dont l’un des hobbys est de transformer des gens en esclaves sans cervelle grâce à sa machine, de mettre la main sur le radium qui lui est nécessaire pour alimenter sa super-arme. Le scénario est troué de partout, les situations se répètent un peu trop et la chorégraphie limitée des combats n’arrange pas les choses. Et on ne peut pas dire que ces premiers Batman et Robin de l’écran soient des combattants particulièrement aguerris.

Lewis Wilson est ainsi plus convaincant en Bruce Wayne qu’en Batman. Son costume n’est pas très seyant (et cette mauvaise panoplie d’Halloween donne l’impression que sa ceinture utilitaire lui remonte jusqu’au tétons), sa cagoule est mal ajustée et sa cape le gêne dans toutes ses bastons. Il y a d’ailleurs une jolie erreur dans le premier combat : la cape tombe pour retrouver miraculeusement les épaules du Chevalier Noir dans le plan suivant. La caractérisation de Robin, joué par l’éphémère enfant-star Douglas Croft, est très limitée et l’imposante touffe de cheveux de l’acteur est l’occasion de croustillantes gaffes visuelles lorsqu’il laisse la place à une doublure cascade qui ne lui ressemble pas du tout.

 

 

Si cette première aventure cinématographique de l’Homme Chauve-Souris est donc à placer au plus bas de la liste des adaptations des comics Batman, elle a eu une certaine influence sur sa contrepartie papier. C’est en visitant le décor de l’antre de Batman, appelé la “Bat’s Cave” (avec laboratoire inclus auquel les héros accèdent par une entrée cachée dans l’horloge du salon du manoir Wayne), que Bill Finger a eu l’idée de créer la Batcave. La silhouette de William Austin, qui joue un Alfred grand, mince et moustachu (et élément comique aussi), a déterminé la future apparence du valet de Bruce Wayne en bande dessinée, lui qui était alors un peu plus enrobé.

Mais face aux nombreux défauts de cette production de plus de 4 heures, c’est tout de même bien peu !

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