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Critique de Manchuria Opium Squad #1

par MassLunar le jeu. 20 janv. 2022 Staff

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L'opium du peuple

Avec Manchuria Opium Squad, nous oublions très vite l'image solitaire et désabusé du fumeur d'opium seul allongé dans son boudoir écarlate et emprisonné dans les effluves de ses rêves... Loin de cette image "romantique", le manga dessiné par Shikako et écrit par Tsukasa Monma nous dépeint à la place une réalité féroce et cruelle autour de la culture et du traffic d'opium dans les années 1930 en Mandchourie.

Un manga d'autant plus intense que l'intrigue s'ancre dans une époque bien précise de l'histoire de la Mandchourie alors plongée et divisée  en pleine guerre sino-japonaise. Une période historique bien définie dont on devine le travail de documentation de la part des auteurs mais Manchuria Opium Squad se démarque avant tout par son mix entre thriller désespéré et cruauté exacerbé. 

Notre futur antihéros est d'abord un pauvre bougre exploité par l'armée japonaise. Tout d'abord, il est enrôlé de force dans la guerre durant laquelle il récolte une grave blessure au visage puis, jugé inapte à l'armée, il est envoyé dans une sorte de camps de travaux pratiquement forcés pour le compte du Japon et supervisé par de cruels lieutenants qui n'hésitent pas à jouer du poing. Notre héros trime dans un champs pour subvenir aux besoins de sa famille dont sa mère qui tombe gravement malade. Mais malgré un quotidien des plus sinistres, notre héros a aussi quelques atouts : d'abord un flair aiguisé suite à la perte de son oeil et une infinie connaissance sur les plantes. Deux atouts qui vont le propulser peu à peu dans le monde criminel du traffic d'opium. 

A la manière d'un Tombeau des lucioles mais en version seinen, le constat de la guerre est tout aussi nihiliste. Certains soldats sont des brutes épaisses  tandis que les citoyens pauvres sont exploités dans cette guerre dénuée de sens y compris par leurs propres compatriotes. Le tableau est d'une noirceur inouïe renforcé  évidemment par le dessin de Shikako (Full Drum) qui quitte ici le manga de sport pour se lancer avec force et réalisme dans ce titre qu'on peut définir comme un thriller historique. C'est un tableau de la douleur qui est ici reflété dans ce premier volume, notamment à travers la première apparition des fumeurs d'opiums. Une case mémorable et si intense que nous avons l'impression d'en sentir l'horrible odeur. Les corps sont squelettiques. L'opium affiche un bonheur carnassier et furieux sur ces addicts qui perdent aussitôt toute humanité. Encore une fois, nous sommes loin de l'image du dandy fumeur de pavot couché tout seul dans son confortable boudoir.  De même, le dessin de Shikako s'attarde sur les oppressés, les torturés en faisant régner un climat de misère qui légitimerai presque l'oublie désespéré conféré par l'opium. 

Ce premier volume de Manchuria opium squad ne prend pas de détour et nous plonge directement le nez dans les excréments du trafic d'opium qui se déroule sur tous les fronts que ce soit du côté de l'armée japonaise que de celui d'une organisation secrète chinoise sur la terre de la Mandchourie. 

Entre ces deux instances, il y a deux personnages forts : notre pauvre héros , figure tragique mais déterminée à sauver sa famille et une impitoyable gangster appartenant donc au Qing Bang, cette organisation criminelle chinoise. Une rencontre marquante entre deux personnages charismatiques que tout oppose si ce n'est une certaine marginalité dans ce monde divisée en deux. Là où Isamu est un jeune homme brave et vulnérable déterminé à sauver sa mère, Lihua est une créature imprévisible et impitoyable. Un duo bien écrit qui se base sur une relation génie/criminel à la manière d'un Breaking Bad pour rejoindre la comparaison promotionnelle et dont nous avons hâte de voir l'évolution, surtout du côté d'Isamu, le jeune homme qui ne rêve que d'une belle ferme pour sa famille. 

A la lecture de ce premier tome, Manchuria Opium Squad réussit aisément son entrée dans les thrillers seinens nerveux et désabusés soulignés par une cruauté aussi bien réaliste que furieuse, parfois même un peu grossière à travers des personnages assez superficiels comme le caporal de la police militaire qui incarne le psychopathe tout en sadisme de l'histoire. Manchuria Opium Squad faiblit un petit peu quand il s'emploie à refléter une violence un brin caricaturale mais rien qui n'entache la dynamique de ce premier volume qui reste assez palpitant à suivre. 


En bref

Manchuria Opium Squad annonce la couleur. Nous sommes ici dans un thriller du temps de guerre désabusé, cru et sinistre... C'est un manga impitoyable mais c'est aussi ce qui fait sa force et promet un excellent seinen tout en noirceur, bien documenté , avec une petite dose de folie un petit peu mal ajusté mais qui est parfaitement insufflé par cet opium de guerre.

8
Positif

Pour les amateurs de thrillers purs et durs soigné par le dessin corrosif de Shikako

Des personnages principaux finements écrits et dont on attend leur évolution

Un cadre historique à la fois bien documenté et propice à la nervosité d'une intrigue criminelle imprévisible et torturée

Negatif

Quelques personnages secondaires un peu plus superficiels et convenus comme le caporal sadique

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