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Critique de Boys Run the Riot #1

par Tampopo24 le dim. 3 avril 2022 Staff

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Renverser la société et être libre

Akata est le seul éditeur de manga français à avoir un catalogue autant orienté diversité et recherche d'identité. Etant donné que ce sont des thèmes qui m'intéressent parce qu'ils touchent de près à l'humain et que ça pousse à des écriture fine sur notre nature et nos pensées, je m'intéresse à chaque fois aux titres qu'ils sortent avec cette visée. Boys run the riot avec son positionnement sur la question de la transidentité, question qui m'intéresse mais que je maîtrise for mal, ne pouvait donc que m'interpeler.

On peut avoir des craintes quand des auteurs s'attaquent à un thème pareil, mais avec Keito Gaku qui est lui-même une personne transgenre mes inquiétudes furent levées. Boys run the riot est ainsi sa première série et il y met tout ce qu'il aime : sa passion pour la street mais également ce qui le touche intimement, pas surprenant alors qu'elle ait eu un tel succès, notamment aux États-Unis, où elle a été sélectionnée, en 2021, dans la catégorie « Meilleur Manga » des Harvey Awards, et où elle figure parmi les 10 meilleurs mangas de 2021 du School Library Journal. Mais parfois un accueil peut être exagéré et on peut être déçu à partir de nos attentes : ce n'est pas du tout le cas ici !

Avec sa jaquette accrocheuse au concept intrigant où se mélangent question d'identité genrée mais également passion pour la rue et ses arts, le titre interpelait d'emblée. En enlevant la jaquette et en découvrant la couverture et son dessin qui nous explose au regard, un deuxième niveau était atteint. Puis en franchissant le cap et en commençant à lire ce manga, découvrant son héroïne/héros dès les premières pages à l'efficacité ravageuse, je savais que ce titre était pour moi.

Ryo est né femme mais ne sent pas bien dans son corps, il le rejette et ne sent bien que quand il est identifié comme homme. Dur alors de subir la vie au lycée au Japon. L'auteur qui a dû connaître cela nous raconte avec beaucoup de véracité ce quotidien où Ryo oscille entre deux sexes, celui que la société veut lui imposer et celui qu'il ressent être au fond de lui. C'est poignant et rageant. Obligé de porter un masque devant les autres, il tente tant bien que mal de se rebeller en ne portant pas l'uniforme féminin imposé et en commandant lui-même sur internet les fringues masculins qu'il aime et dans lesquels il se sent lui-même. Mais souvent son sexe de naissance le rattrape, notamment quand il est en société, en compagnie de camarade de son âge. Ryo est donc bouffé intérieurement et sa rage, il l'exprime ponctuellement dans les graff qui lui permettent de montrer ce qu'il a sur le coeur.

Tout bascule le jour où il fait la rencontre de Jin, un nouvel élève au look singulier qui interpelle, qui semble avoir la liberté qu'il aimerait avoir. En se découvrant la même passion pour les fringues, une idée germe : créer leur propre marque de vêtements, mais quand on est lycéens dans une société aussi rigide, ce n'est pas si facile.

J'ai beaucoup aimé la véracité que j'ai ressenti dans le récit de cette histoire à fleur de peau. Ryo est un personnage qui m'a d'emblée touchée et convaincue. L'auteur exprime à merveille sa rage vis-à-vis de son sexe de naissance et vis-à-vis de ce que la société lui impose à cause de cela. Il nous montre le parcours du combattant que c'est rien que de réaliser qu'on est transgenre au Japon et c'est sans parler encore de change de sexe, mais juste de vivre, s'habiller et se comporter comme un homme, quand on est né femme. On comprend donc bien cette poudrière sur laquelle vit Ryo.

La sensation de liberté toute proche que va lui apporter Jin en arrivant est donc jouissive. J'ai adoré la façon dont celui-ci même sa vie en étant totalement ouvert. Jamais il ne s'interroge sur le pourquoi du comment Ryo est si différent en dehors du lycée, il l'accepte, point. Et quand il voit que leurs passions se rejoignent, peu importe le reste, il voit juste en lui en partenaire avec qui vivre une grande aventure. En fait, il voit juste les gens pour ce qu'ils sont, sans étiquette et ça fait un bien fou !

Le carcan du lycée et de ceux qui le côtoient profs comme élèves est parfaitement rendu, de même que la difficulté intrafamiliale à s'affirmer comme étant différent. Mais l'aspiration à la liberté, le besoin de créer, de s'exprimer l'est tout autant et apporte une vraie bouffée d'air frais. J'ai beaucoup aimé la représentation de la rue dans le titre, que ce soit avec les graff libérateurs de Ryo ou cette mode où on peut être à l'aise dans ses baskets loin des carcans de l'uniforme. On est libre.

On sent également que l'auteur ne va pas s'arrêter à nous montrer le petit projet des deux héros prendre forme, il va nous proposer une histoire plus globale autour de la différence, la transidentité n'en étant qu'un pan. Il commence ainsi dans ce premier tome à montrer la jeune amie de Ryo : Chika, qui est bien plus libre de penser que les autres et qui détonne. Il montre également sur la fin, leur ami photographe Itsuka, qui vient d'une famille bien plus modeste que ses potes et n'a rien d'un gars populaire contrairement à eux. Il y a aussi cette prof, entraîneuse de basket, à l'esprit archi ouvert. Et pour finir, on aperçoit le premier de la classe Kashiwabara avec son cousin qui semble également transgenre, qui va donc apporter un regard supplémentaire. Ça sent bon la diversité et le renversement des codes rigides de la société qu'on va bien pointer du doigt.

En bref

Dans une forme assez classique des récits seinen adolescents, Keito Gaku entreprend donc une remise en cause globale de notre société si peu inclusive. Il est prêt à ruer dans les brancards et nous aussi. Aux côté de Ruo et Jin, un vent de liberté souffle, un vent qui n'est qu'une petite brise pour le moment mais qui va assurément se transformer en bourrasque et tout emporter sur son passage. Boys run the riot est un récit contestataire et libérateur âpre mais moderne et d'actualité qui est jouissif à lire derrière les difficultés qu'affrontent ses héros.

8
Positif

Un titre écrit par un auteur transgenre

Un sentiment de véracité dans le récit

Une histoire sur la diversité

Un sentiment de rage de liberté habite les personnages

Des personnages à fleur de peau

Un beau projet fédérateur

Une histoire plus globale qui va bousculer les carcans de la société

Negatif

Une narration seinen assez classique

Un dessin qui ne sort pas du lot

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