Tranches de vie

Gentlemind bénéficie du talent cumulé de deux merveilleux conteurs, le scénariste de Blacksad, Diaz Canales, et l’autrice de Contrapaso, Teresa Valero ; Le tout étant plus que la somme des deux.

Ce diptyque est selon moi inclassable. Il explore les sentiments amoureux, de la passion à la haine, de la vénération à la destruction. En chaque personnage il y a une dualité forte, extrême.

En plus de trente ans d’existence d’un magazine de papier, de 1945 à 1975, il montre aussi l’évolution de la société américaine, dans son foisonnement inventif, pour le meilleur et le pire.

Pourtant, ce que je retiens une fois la lecture des deux tomes achevés, se sont ces tranches de vie. Du milliardaire cacochyme amoureux à la passionata portoricaine, en passant par l’avocat prenant conscience des ses errements et revenant à la vie, chaque personnage est décrit avec ses failles, avec beaucoup de compassion pour la fragilité humaine et la difficulté de trouver sa voie.

Le personnage principal, Navit, vogue ainsi de l’insouciance à l’abîme, sans que l’on puisse réellement lui en vouloir, tellement l’image qu’elle nous renvoie en miroir de nous est si peu déformante.

Le dessin aussi, un peu étrange, participe à cette déconstruction de ce que l’on croît savoir et qui fait sens, pour nous offrir une lecture plus dérangeante parfois, certes, mais plus proche du réel. Le visage en page 65 et la silhouette en page 66 en sont une illustration.

Un diptyque étonnant donc, qui raconte l’histoire américaine et fouille les cœurs des femmes et des hommes, sans facilité, mais plein de miséricorde. Un récit qui nous touche car nous sommes pareils « semblables jusqu’au moindre atome ».