Le monde que nous rêvons, le monde que nous créons

Suite et fin d'Ex Nihilo du mangaka Shinji Mito. Le créateur d'Alma avoue dans la postface de ce petit chef d'oeuvre avoir sué sang et eau pour l'aboutissement de ce premier titre. Shinji Mito aura mis un an à dessiner et à écrirer cette série et ce , a priori, sans assistants. Le dessinateur pour son premier titre s'est imposé une réelle liberté de création mais aussi un vrai challenge.

Avec cette mini-série qu'est Ex Nihilo, le mangaka a parfaitement réussi son entrée dans le monde de la bd japonaise. Une entrée en matière que je recommande chaudement !

Ce deuxième tome et donc cette conclusion d'Ex Nihilo approfondit cet univers de sf tout en proposant un certain panel d'émotions. Au delà du premier tome qui imposait déjà une science-fiction dynamique avec des plans larges vertiginieux, ce second opus accroît la fibre mélancolique de cette oeuvre. Ex Nihilo est un titre au final très personnel dans lequel le mangaka donne sa vision du rêve. Car c'est bien de cela dont il s'agit dans ce titre, c'est de cet acte de création qui résulte du rêve et qui donne corps à la réalité. 

Le mangaka ne s'est pas imposé de thèmes particuliers pour son oeuvre. Il s'est laissé guidé par la puissance d'une intrigue qui distille une belle mélancolie. A titre de comparaison, Ex Nihilo est un délicat mélange entre l'immersion épique d'un Inception et la douceur amère d'un Eternel Sunshine of the spotlesse mind (l'humour absurde en moins ) à travers cette histoire d'amour faite d'oublie et de retrouvailles. 

Mais au delà de ces simples comparaisons , Ex Nihilo est une oeuvre en soi qui doit se savourer de manière totalement independante. 

Ce second tome apporte donc une conclusion mouvementé sur les Créateurs et les orbis. L'intrigue est plus complexe et on peut se perdre facilement dans ces notions de rêves et de créations sans parvenir à distinguer le vrai du faux, le réel du factice. Une confusion que le mangaka nous fait vivre habilement dans cet opus qui enchaine les environnements que ce soit la ville, théâtre du changement, bastion de courses-poursuites endiablés , le refuge désertique d'un créateur dont son monde est sur le point d'être disparaitre ou encore la planque du seul créateur adulte dont les vastes bibliothèques borgesiennes gardent l'héritage des créations passées. On s'y perd mais on aime s'y perdre tout en étant guidé par le fil rouge qu'incarne ces remarquables personnages que sont Anya et Yukari. 

Pour un peu, on regretterai presque l'absence d'un troisième volume qui aurait permis au mangaka de fignoler davantage cet univers et de répondre de manière plus précises à certaines de nos questions. Ainsi, ce dyptique contient parfois un peu mal son rythme avec notamment une confrontation des orbis faces à leurs créateurs qui aurait mérité d'être davantage creusé. Mais dans l'ensemble, ce second tome propose une série complète et qui repose sur une conclusion aussi satisfaisante qu'ambigue, douce-amère, dans laquelle le rêve cotôie la réalité et où le mangaka semble adjoindre le lecteur d'accepter et de profiter pleinement de notre réalité, de notre vie telle qu'elle se présente.

Je ne vais pas allez plus avant dans une pseudo-analyse de comptoir mais il est clair qu'Ex Nihilo est beaucoup plus qu'un simple titre de science-fiction.

Encore une fois, je ne peux que conseiller ce titre rien que pour la grâce du dessin de Shinji Mito qui nous régale avec ces planches expressives, avec ce soin approfondie apporté à l'encrage et cette maîtrise dramaturgique. Pour un premier titre, le mangaka fait très fort d'autant plus lorsqu'on sait qu'il était le seul maître à bord pour la création de cette première oeuvre.

C'est donc sur un véritable coup de coeur que s'achève cette courte série, sans doute le titre le plus personnel du mangaka à ce jour, une petite série qu'il est bon de conserver dans sa bibliothèque et qui vous fera garder un souvenir impérissable perdue  entre le rêve et la  réalité.