Peurs et complexes

Utiliser les mots est un art complexe que FlyingDog apprend parfois à ses dépends tout comme Oono Imo qui manie le crayon dans cette trilogie à quatre mains un peu pressée par le temps de la publication.

C'est avec un plaisir renouvelé que j'ai retrouvé nos deux ados, Smile et Cherry, dans leur quête pour aider un grand-père qui perd un peu la tête à retrouver la voix de celle qu'il a perdu. Si les intentions de la série sont charmantes, la mise en scène, elle, souffre pas mal dans ce tome d'une accélération pas forcément bienvenue et d'une pagination bien mince (même pas 140 pages...), ce qui rend la lecture un brin frustrante.

J'ai à nouveau aimé découvrir ces deux ados pour qui les mots sont si importants. Le discours des autrices sur les complexes de Smile vis-à-vis de son sourire et le charme que revêt alors pour elle les mots de Cherry qui parvient à exprimer ce qu'il tient caché, ce qu'elle ne parvient pas à faire, est très touchant. C'est vraiment attendrissant de suivre la relation maladroite de ces deux ados qui grandissent et font fasse aux obstacles de la vie, l'une son physique, l'autre son déménagement à venir qui va lui faire perdre ses repères. Ce sont des grands classiques, traités ici avec subtilité et émotion.

Le problème, c'est juste que les autrices n'ont pas le temps et vont bien trop vite pour parler de tout cela. C'est à l'image de la quête de notre duo pour aider M. Fujiyama, on sent une vraie précipitation ici pour vite vite faire avancer l'histoire dans la bonne direction, sauf que ça va trop vite et ça se sent. On en vient à avoir une narration presque décousue, qui certes fait écho à la brièveté et l'intensité des lignes des haïkus qu'écrit son héros mais qui déstabilise aussi le lecteur.

L'ambiance est pourtant là. On est touché par le désir de ces jeunes d'aider une personne en difficulté. On aime voir leurs amis et proches les aider. Le côté adolescent passe très bien pour une fois car l'autrice n'en fait pas trop et traite de choses crédibles : un complexe, un déménagement, la peur de perdre l'autre alors que des sentiments et une proximité sont en train de naître. Ce sont réellement des choses qui arrivent. Mais il manque quelque chose du coup à ce récit, à ces émotions, et pas seulement du côté de l'histoire. Les dessins aussi sont trop lisses, faits trop rapidement. Il s'en dégage quelque chose d'inabouti aussi bien dans le trait que le séquençage. Cela a son charme comme je le disais car cela rappelle la rapidité et la fulgurance des haïkus mais on n'y est pas habitué et on sent bien que ce n'est pas normal.