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Critique de Blue in green

par Ben-Wawe le mer. 18 janv. 2023 Staff

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Formidable et déchirante récit d'un pacte faustien qui tourne mal, entre explosion de génie musical et magnifique déchéance humaine

Attention, chef d'oeuvre intense et envoûtant.

L'éditeur HiComics, qui poursuit sa passionnante percée dans l'univers comics avec des œuvres indépendantes prenantes et intenses, propose le superbe récit Blue in Green de Ram V (scénario), Anand RK (dessin), John Pearson (couleurs), Aditya Bidikar (lettrage) et Tom Muller (designer).

Cette mini-série en quatre numéros a été proposée en VO par Image Comics en 2020, et a gagné l'Eisner Award du Meilleur Artiste Multimédia. Rien que ça !
La lecture de cette œuvre, magnifiquement dans un volume superbe, avec enrobage en relief et bonus intéressants, pousse à considérer que les autres créateurs de Blue in Green auraient pu être récompensés par ce qu'on peut considérer comme les Oscars de la profession.

En effet, Blue in Green se révèle rapidement un récit intense, prenant, extrêmement envoûtant et déchirant.
Un volume qui marque longtemps après la lecture !

Mais, au fond, de quoi parle Blue in Green ?

Dans notre monde, à notre époque, Erik Dieter semble être un trentenaire ou quadragénaire qui passe à côté de sa vie. Passionné de jazz, saxophoniste bon mais sans briller, il donne des cours à des jeunes ambitieux et rédige de nombreux articles sur la musique et ses artistes, dont il a une connaissance encyclopédique.
Sa mère Alanna décède et Erik revient dans la ville et la maison de son enfance, délaissées jadis à cause d'une brouille familiale. Les retrouvailles avec sa sœur Dinah sont fraîches, tandis que la redécouverte de Vera, son amour de jeunesse, le trouble grandement.
Moins, cependant, que la mélancolie puissante qui s'empare d'Erik alors qu'il erre dans cette maison vide, remplie de souvenirs... et de fantômes ; qu'il sent réels au fil de son temps ici. Le saxophoniste découvre surtout la photo d'un musicien qu'il ne connaît pas, et qui en vient rapidement à l'obséder.
Erik se lance alors dans une quête pour découvrir son identité, au point de lever les mystères de la vie passée de sa mère – et les raisons qui ont justifié ses brimades. Le musicien va aussi développer, enfin, son immense potentiel artistique... via une apparition surnaturelle, et à un prix terrible.

Blue in Green assume dans toutes les strates de l'oeuvre son attachement et son dévouement au jazz, ses grandes figures et sa mélancolie lancinante.
Le titre, déjà, est un hommage à la chanson éponyme composée par Bill Evans et apparue pour la première fois en 1959 sur l'album Kind of Blue de Miles Davis (à écouter sur ce lien). Ce titre, à la structure musicale inhabituelle, est un standard du jazz, et demeure l'un des piliers de cette musique si particulière.

Ram V, scénariste qui monte (These Savage Shores, Justice League Dark, Swamp Thing), s'associe à l'intriguant Anand RK (Grafity's Wall) pour proposer un récit extrêmement intense et envoûtant.
Les fans de jazz retrouveront ainsi cette mélancolie si particulière qui caractérise le genre musical, au fil de pages parfaitement réalisées par une alliance de plusieurs artistes extrêmement impliqués et talentueux pour narrer la chute de leur héros.
Erik Dieter s'enfonce dans une quête impossible, folle, et il est évident que cela ne pourra pas bien finir. Le lecteur, cependant, est extrêmement accroché à l'intrigue qui se déroule devant nos yeux. Une intrigue en apparence simple, voire classique ; mais qui distille avec parcimonie cet intense élément surnaturel, qui interpelle et demeure trouble, et troublant.

Les auteurs tentent ainsi de réaliser autant une bonne histoire, qu'un hommage général à la création artistique ; son génie, mais aussi les sacrifices que cela implique.
Erik Dieter parvient autant à connaître l'identité du mystérieux saxophoniste, et à mieux comprendre sa mère. Surtout, il devient enfin le musicien qu'il a toujours rêvé d'être... mais à quel prix ?
Dans un final terriblement puissant, et déchirant, les auteurs forment un parallèle troublant mais cohérent avec d'autres artistes qui se sont perdus dans leur art, au point d'y disparaître pleinement. L'élément surnaturel peut ainsi se lire comme la parabole de l'inspiration géniale, du fameux coup de génie absolu qui peut dévorer comme un incendie.
Ram V assume d'ailleurs ce destin musical génial mais déchirant, en lançant bien des clins d'oeil à Robert Johnson, fameux musicien de blues qui aurait formé un pacte avec le diable pour révéler son talent. Pour, hélas, une fin terrible (plus d'informations sur ce lien).

Si le final de Blue in Green est abrupt, il nourrit pleinement l'ambiance oppressante, envoûtante et terrifiante de ce récit qui navigue entre l'hommage au jazz, l'enquête mi-polar mi-familiale, le surnaturel et un destin implacable.
Surtout, Ram V est ici associé à Anand RK, dont le style oscille entre Bill Sienkiewicz et Ashley Wood et qui livre une prestation formidable. Tous deux, associés à leurs camarades très impliqués dans la structure générale de l'oeuvre, sont idéalement liés par une même approche, un même dessein.
Anand RK propose alors des dessins troublants, jamais réellement beaux, mais toujours passionnants pour décrire l'univers d'Erik, qui se replie sur lui et la musique, qui l'absorbe, le happe, le dévore encore et encore.

Un récit qui ne laisse pas indifférent, et passionne ; jusqu'à la fin, quel qu'elle soit !

En bref

Blue in Green est un chef d'oeuvre troublant et envoûtant. Autant le scénario, les dessins et l'approche générale forment une ambiance intense et excitante, magnifique hommage à la mélancolie déchirante du jazz. Les petites touches surnaturelles s'intègrent idéalement, pour un ensemble complètement prenant et marquant. A ne pas louper !

9
Positif

Une œuvre envoûtante et excitante, complètement marquante.

Des auteurs tous au top, et tous liés dans une approche magnifique.

Un hommage total au jazz et à sa mélancolie, autant qu'une belle porte d'entrée pour le genre.

Negatif

Quelques références musicales un rien obscures. Rien de gênant, mais le lecteur novice peut sentir parfois que certains éléments lui échappent.

Un fond assez classique, bien que ce classicisme serve de pilier à la formidable atmosphère.

Une fin abrupte, même si elle nourrit la brutalité de la fin du génie absolu.

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