Hikaru no go Made In Taïwan

Premier titre du jeune éditeur Komogi, ce manhua m'a fait revivre les belles émotions de certains moments d'Hikaru no go et de March comes in like a lion, le tout avec plein de références d'afficionados de mangas, une très belle surprise ! 

Quand Komogi a débarqué sur les réseaux sociaux pour présenter leur première sortie, j'ai de suite été attirée par le dessin très particulier de Xiao Dao, jeune autrice taïwanaise au style improbable. Son dessin est tout sauf académique mais c'est justement ce qui lui donne sa patte et moi j'aime les auteurs qui ont leur style ! Son trait semble archi fluide, plein de vibes et de rondeur comme s'il se faisait entraîner par un courant, un courant plein de jeu et de profondeur ici.

L'autrice nous invite grâce à une intrigue assez intimiste à plonger dans le quotidien de deux joueurs de go fuyant les compétitions de leur sport fétiche et se rapprochant pourtant par la ferveur qu'une partie de celui-ci fait jaillir en eux. Tung Ji est une jeune femme dans la vingtaine atteinte de troubles dissociatifs repérés au cours d'une partie de go alors qu'elle était pro. Depuis elle vivote grâce à l'héritage de sa grand mère et aide notamment à la revente de mangas après la fermeture des librairies de prêts. Hsia, lui, débarque un jour chez elle, semblant la connaître et  voulant se faire héberger. Il a en fait fugué de chez lui suite au coup de trop. Grand joueur de go, il est en effet battu par ses parents à la moindre défaite. Chacun pourrait fuir ce sport, mais c'est ce qui va les rapprocher.

J'ai beaucoup aimé ces grands aplats de noirs de l'autrice pour évoquer les noirceurs qui viennent parasiter l'âme de ces jeunes héros si purs dans leur passion. C'était émouvant de les voir se trouver à travers ce sport, jeu de conquête d'un territoire, jeu de stratégie et d'intellect qui pousse à imaginer et revivre des luttes des temps jadis. On retrouve ici cette ambiance entre présent, marqué notamment par l'arrivée de cette IA dans les parties de jeu de go dont ils parlent sans cesse,  et passé avec les ambiances désuètes d'un titre où l'héroïne travaille avec des librairies en voie de disparition et vie dans l'ancienne maison de sa grand-mère. C'est très mélancolique. 

Leur passion pour la go est joliment évoquée et se transmet facilement au lecteur qui assiste à quelques échanges endiablés et surtout sent combien ils aiment ce sport. L'autrice en plus s'amuse à faire le lien avec les autres grands titres sur le thème, notamment Hikaru no go que nous connaissons bien en France. On sent que celle-ci est une geek au sens plus large du thème. Elle a fait de son héroïne une grande lectrice de manga et tout est prétexte à citer ceux-ci, soit littéralement comme moto pour s'encourager dans la vie, soit par des représentations figuratives nombreuses et plutôt réussies, ce qui est un plaisir pour le lecteur amateur, car il s'amuse à retrouver des éléments de ses lectures préférées ainsi citées !