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Critique de Le rakugo à la vie, à la mort #5

par Tampopo24 le mar. 2 mai 2023 Staff

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L'Art de la transmission à son sommet

Série que j'adore depuis le début pour les émotions qu'elle me fait ressentir alors que rien ne me préparait à aimer cette histoire sur fond de stand-up humoristique, elle se conclut par un superbe coup de coeur pour rendre hommage à toute la justesse dans l'autrice a fait preuve dans son écriture de l'histoire de ces générations de rakugoka.

Il va m'être dur de trouver les mots pour rendre toutes les émotions que j'ai ressenti tout au long de ce long tome d'au revoir à la couverture si bien choisie pour l'édition française. Le travail d'Haruko Kumota pour raconter le passage de témoin entre les différentes générations de conteur de rakugo est fantastique. Sa personnification en la personne de Yakumo pour qui on assiste avec lenteur et délicatesse à la fin est d'une rare émotion. C'est déchirant et en même temps tellement beau.

On sent un grand amour pour le rakugo dans l'ensemble de l'oeuvre mais encore plus ici avec les nombreux acteurs que l'on voit jouer et qui ont chacun leur style, ce qui se retrouve dans les dessins. Quel talent ! On sent cet amour aussi dans le discours que chacun porte sur son art, entre un ancien, Yakumo, qui veut conserver les lettres de noblesse de cet art et est intransigeant, et des plus jeunes qui eux veulent le moderniser sans le perdre, ce que fait à merveille Yotaro mais également son fils Shinnosuke, qui sera presque la synthèse des deux. Il y a aussi l'admiration sans borne qu'ils se prêtent les uns aux autres qui transpirent entre les pages et rend très émouvantes ces passations qui s'opèrent. Et c'est sans parler des lieux, les Yosés qui ont aussi leur importance, l'autrice leur offre une place dans le décor et nous fait sentir l'ambiance qu'il peut y avoir. C'est magique.

Mais plus que tout, c'est l'histoire de la famille de Yotaru, Yakumo et Konatsu, de leurs parents, de leurs enfants, qui m'aura touché en plein coeur. Ce tome est un long au revoir de Yakumo à tout le monde et de tout le monde à Yakumo. La mangaka sublime ce moment difficile. Elle prend son temps. Elle choisit des scènes clés, des lieux, des thèmes, des significations. Et tout nous saisit ! On est triste quand on voit Yakumo qui ne peut plus monter sur scène. On frétille de joie quand il se redonne une chance. Puis on tremble en comprenant que c'était la dernière fois. Cette difficulté à lâcher la scène est poignante mais encore plus cette impossibilité à tourner la page sur son passé, cette tragédie qui l'a accompagné de tout temps et qui l'accompagnera jusqu'à la fin, jusqu'à ce qu'il trouve l'apaisement.

Cet apaisement est au coeur de tout et la mise en scène des obstacles rencontrés est saisissant. J'ai été bouleversé par les visions de Yakumo tout au long du tome, leur allure entre fantastique et foi, leur côté très traditionnel, et leur façon de remonter aux racines du mal et du bien également. Tout prend sens, tout s'éclaircit, tout se discute et s'entend enfin. On ne peut que sortir bouleversé par l'histoire et les derniers moments de cet homme à la vie si tragique et si belle à la fois. L'autrice a su parfaitement le mettre en scène avec une rare poésie et de manière si particulièrement marquante qu'il me manque les mots pour évoquer cette symbiose entre histoire vécue, histoire racontée et histoire fantasmée. Pépite !

Ainsi j'ai adoré suivre l'histoire de cette famille si particulière dont la passion pour cet art oral qu'est le rakugo s'est transmis non sans difficulté mais toujours avec honnêteté et émotion. Ce fut beau de voir l'évolution de Yotaro, ancien voyou, devenu père de famille aimant et pilier du Rakugo au Japon. Ce fut émouvant de suivre l'épanouissement de Konatsu, cette orpheline si longtemps en colère, qui va réussir à se créer sa propre famille et qui va réaliser son rêve, un grand rêve, [spoiler] en devenant la première femme rakugoka ! Ce fut poignant de suivre le fluet Yakumo élever tout ce petit monde, lui qui semblait vouloir rester seul, et qui a trouvé tellement de gens à aimer. Alors oui, le passé fut dur à oublier, à accepter, à mettre derrière, mais quel beau futur l'autrice nous promet et nous montre avec les nouvelles générations et l'évolution qu'ils apportent à cet art traditionnel. J'ai trouvé ça magnifique et tellement porteur !

En bref

Le Rakugo à la vie à la mort prend tout son sens dans ce premier tome où passé, présent et futur se rejoignent enfin, où ancienne et nouvelle génération se mélangent, et où la transmission est au coeur de tout : transmission des sentiments, transmission des passions, transmission des traditions. C'est beau, c'est poignant, c'est émouvant. C'est dramatique, c'est poétique, c'est lumineux. Ombre et lumière se côtoient dans une mise en scène sublime évoquant à merveille l'art invoqué ici et ses racines quasi mystiques. Chapeau bas à Haruko Kumota pour un tel final et une telle oeuvre !

10
Positif

Un chef d'oeuvre

Récit poignant, juste et âpre sur la fin d'un âge et le début d'un renouveau

Des personnages complexes aux parcours de vie difficiles parfaitement croqués

Une mise en scène graphique merveilleuse et marquante

L'hommage parfait à un art séculaire

Negatif

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