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Critique de Fine Print #1

par Ben-Wawe le mer. 31 mai 2023 Staff

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Une œuvre intense et touchante, qui dépasse son approche coquine pour offrir un récit prenant et plein d’émotions

Panini Comics propose le premier tome de Fine Print, la nouvelle série de l’auteur multi-facettes Stjepan Sejic, au trait désormais très reconnaissable et spécialisé dans des récits pleins de charmes.
Stjepan Sejic est désormais connu dans le milieu. Il a travaillé pour plusieurs éditeurs, comme Top Cow (notamment sur Witchblade), Marvel (les productions Inhumans en 2019 et 2010) et DC Comics (Aquaman et surtout Harleen [cliquer ici]). Il a ensuite décidé de prendre son indépendance, et s’est ainsi lancé dans son œuvre Sunstone (cliquer ici) qui interroge les relations entre les personnes.

Fine Print est la nouvelle série de l’auteur croate, qui travaille d’ailleurs régulièrement avec son épouse, Linda Luskic Sejic, avec des liens entre leurs œuvres.
Fine Print est cependant une production très autonome, et même très personnelle, tout en respectant l’approche habituelle ainsi que les thèmes de l’auteur.

Mais de quoi parle Fine Print ?
Le titre vise les clauses en petit caractère des contrats, celles que l’on ne lit jamais mais qui sont si souvent importantes. L’œuvre parle ainsi de contrats, de contrats mi-divins, mi-démoniaques.
Le monde de Fine Print comprend en effet des facettes cachées, et notamment le Royaume des Dieux, au sein du Nouvel Olympe. Une lutte d’influence se joue entre les Succubes (qui ne sont pas des Démons !) et les Cupidons, afin de faire signer à certains humains spéciaux un Contrat en Or. Les Succubes proposent une année entière axée sur l’épiphanie du Désir, avec renoncement à l’Amour ; et les Cupidons proposent l’inverse.
L’humain bénéficie ainsi d’un accompagnement précis, les Succubes offrant une Divinité du Désir pour répondre à ses moindres demandes. En parallèle, en l’humain germe une graine d’Ambroisie, le nectar des dieux jadis offerts par la dévotion humaine mais désormais presque disparu.
Fine Print permet ainsi de suivre plusieurs personnages dans ce contexte : Rachel Simms, jeune femme perdue et sans goût pour la vie, qui rencontre la Succube Merryl Alaris. Puis d’autres proches de celle-ci, comme sa mère Bauphette très exigeante, le sympathique Hadès, ainsi que ceux voulant devenir un Elu du Désir, comme Leliah Ashen et Thadeus Brimstone.
Surtout, au-delà de ces divinités, le récit suit Lauren Thomas, jeune femme longtemps intimidée par un appareil dentaire, qui découvre l’amour et la confiance en elle avec Matthew… puis le prix de ses choix de vie. Les erreurs, les conséquences, la perte, le chagrin d’amour – et les contrats que l’on signe sans y croire.

On le comprend, Fine Print bénéficie d’un univers très riche, mis à disposition d’un récit qui se veut autant global qu’intimiste.
En effet, Stjepan Sejic ose lancer toute une mythologie massive et intense, autour de ses divinités. L’on croise Hadès, l’on comprend que Lucifer Morningstar a un statut très important, l’on lit que Eros était une divinité quasi primordiale, et tout le fonctionnement entre Succubes et Cupidons est très précis.
Bien sûr, l’auteur créé des dissonances, avec certains qui contournent les règles. Mais ces règles sont très claires, et très établies. Le scénariste et dessinateur propose ainsi un ensemble très léché, très profond dans son fonctionnement et dans ses détails
Il reprend alors les lieux communs sur les contrats avec les divinités, mais lie cela à la perte de foi de l’Humanité. Cela créé une vraie richesse mythologique, et le lecteur peut être légitimement bluffé et pris par tout ceci.

Cependant, le cœur de Fine Print n’est pas ici. L’histoire de Rachel Simms est vite évacuée, même si elle reviendra sûrement comme on le comprend en postface. C’est ainsi bien Lauren Thomas qui intéresse Stjepan Sejic, pour un récit surprenant et très intense.
Certes, disons-le tout de suite : oui, Fine Print a plusieurs passages coquins, un peu entre Succubes et Cupidons, beaucoup concernant Lauren. Mais si ces moments sont intenses et réussis en eux-mêmes, ils ont surtout un sens, une portée.
Stjepan Sejic parle ici des émotions, des sentiments, des regrets et des douleurs. Il parvient à caractériser très vite et très bien Lauren Thomas, tour-à-tour timide, gênée, adorable, mais aussi insupportable, vengeresse, avide, méchante, puis paumée, détruite, abandonnée, à la dérive et au plus bas. Le personnage est extrêmement réussi, ses réactions et les événements sont extrêmement crédibles et très bien menés.

Stjepan Sejic décide en effet de parler de la vie, de l’émoi amoureux, des conséquences de choix de vie mal maîtrisés, et de la difficulté à gérer l’après. L’auteur ne juge pas, se met toujours au niveau de Lauren ; mais aussi de Matthew, qu’on entrevoit de manière extérieure avant des éléments finaux qui interpellent.
La lecture est ainsi très prenante, car pleine d’émotions très maîtrisées, très agréables. C’est de la romance, oui, mais de la romance très pertinente, très intelligente, qui ne peut que parler à ceux et celles qui ont déjà aimé, ont mal fait et ont essayé de se rattraper ; en réussissant ou non.

Fine Print se révèle ainsi plus profond qu’on ne le pensait, et bénéficie du graphisme très réussi de son auteur.
Certes, Stjepan Sejic livre une couverture magnifique, et les planches intérieures sont un niveau en dessous. Il faut même avouer que sa production est moins léchée que sur d’autres travaux antérieurs.
Cela reste cependant d’un très bon niveau, pour qui n’est pas allergique à ce graphisme particulier. Les personnages sont beaux, quasi parfaits physiquement, et les scènes coquines sont évidemment très réussies.

A noter la belle édition de Panini Comics, qui édite fort bien l’ensemble et propose une préface et postface qui éclairent beaucoup.

En bref

Fine Print ravira les fans de Stjepan Sejic, assurément. L’on y retrouve le style de l’auteur et ses marottes, entre personnages féminins perdus dans leur désir, choix de vie difficiles et passages coquins. Cependant, au-delà de tout ceci, Fine Print est surtout un intense récit humain, sur l’amour, les choix de vie, les conséquences, le chagrin et ce qui suit malgré tout. Une histoire touchante, prenante, pleine d’émotions et qui ne laissera pas insensible quiconque a déjà aimé, et en a déjà souffert.

8
Positif

Un récit à plusieurs facettes, très riche.

L’histoire très intime et touchante, qui résonne énormément dans la gestion de l’amour et des regrets.

Une mythologie très riche.

Negatif

Quelques maladresses dans la gestion du récit intime et de la mythologie, avec des ruptures de ton un peu troublantes.

Le côté massif de la mythologie, à intégrer rapidement.

Le graphisme réussi et agréable, mais Stjepan Sejic a déjà fait mieux.

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