La lumière derrière l'ombre

Avec son titre intriguant et sa couverture avec un beau gosse qui nous prend de haut, ce oneshot bien copieux de Kyugo avait un je ne sais quoi d'hypnotisant et de malsain qui donnait envie de l'ouvrir pour découvrir de quoi il en retournait. Promesses tenues : ce fut une histoire rude, belle et puissante.

Pour une première lecture, j'ai beaucoup aimé le style de Kyugo. Celle-ci semble s'être fait connaître avec sa série Acid Town où on suit un couple de braqueurs prêt à tout dans une ville sans foi ni loi. Elle revient ici avec la figure de l'arnaqueur qu'elle définit avec plein de nuances. Une petite merveille d'âpreté. 

J'aime les récits qui ne sont pas lisses, qui sont complexes et où les personnages ne sont pas simples à cerner. J'ai été gâtée ici avec ce oneshot de près de 300 pages au dessin soigné et à l'ambiance immersive. On y fait la rencontre de Daichi, un étudiant qui vit chez sa grand-mère et s'occupe pas mal de sa soeur adoptive. Celle-ci vient de se trouver un copain, mais quand on la connaît il a l'air trop bien pour elle, ce qui éveille la curiosité de Daichi concernant le beau Jun.

En dehors du visage poupin de Daichi qui m'a d'emblée mise mal à l'aise pour la relation qu'il allait développer avec Jun, j'ai beaucoup aimé suivre cette dangereuse valse à deux. L'autrice imagine avec brio comment Jun va tisser sa toile autant de cette soeur et ce frère pour les arnaquer tout en se faisant lui-même prendre au piège du charme désarmant du jeune Daichi en qui il va trouver une âme soeur.

C'est poignant et un peu malaisant au début de les voir se rapprocher car l'autrice fait tout pour nous montrer le regard étrange de Jun. Cependant, c'est plus fort qu'eux et les épreuves que chacun a vécu avec ses parents vont les rapprocher sans qu'ils puissent rien à faire. C'est une romance à la fois inavouable et implacable qui va se nouer sous nos yeux dans une jolie ambiance de mélodrame à la limite des films noirs.

L'autrice nous emmène ainsi dans les recoins sombres de la vie de Jun et ce qui est beau, c'est la force que va avoir Daichi, lui qui semblait si falot au début, pour aller creuser et débusquer le vrai Jun derrière le masque de loup qu'il porte. J'ai souvent tremblé pour lui. Je ne peux pas dire que je me retrouve ou que j'approuve cette volonté de sauver un bad boys, mais c'est poignant et émouvant de voir faire Daichi et de se retrouver face au résultat de ses efforts.

La romance pourrait ainsi très vite basculer dans le too much, mais l'autrice flirte avec les limites du genre et ne tombe jamais vraiment dans la relation non consentie, même s'il y a une forme d'emprise qui se déploie dès le début et qui brouille les pistes, empêchant de savoir si on valide ou pas cette relation au final. On a envie d'encourage Daichi car il est émouvant dans son amour inconditionnel mais pas aveugle, et en même temps, on a un peu envie de lui ouvrir les yeux, de lui offrir d'autres perspectives et de lui faire rencontrer d'autres gens. Le goût de la rédemption est là, c'est donc à chacun de voir où il place son curseur dans cette histoire décidément complexe.