Un futur où les rêves peuvent être votre pire cauchemar

Il y a des sujets, des thèmes, des ambiances qui nous parlent d'emblée. C'est le cas pour moi avec ce josei issu du même magazine que Le Rakugo, à la vie à la mort, qui fut un de mes coups de coeur l'an passé. Pourquoi ? Parce qu'il représente ce qui se fait de mieux en SF d'anticipation à mes yeux.

Un air de K.Dick, un zeste de Rain Man (Yukinobu Hoshino) et une esthétique josei épurée comme j'aime, il ne m'en fallait pas plus pour craquer pour cette courte saga en 6 tomes avec laquelle le Lézard noir inaugure sa collection poche. Une collection de belle qualité avec jaquette sur papier épais, beau papier et traduction toujours aussi soignée, seule la fin sans page blanche supplémentaire m'a surprise à la fin de ce tome.

Dans Le roi des limbes, Ai Tanaba a imaginé un futur proche où une maladie a fait des ravages jusqu'il y a quelques années : la maladie du sommeil. Éradiquée il y a 8 ans grâce au concours d'un homme surnommé le Roi des Limbes, elle semble pourtant faire son retour avec un variant encore plus virulent. Comment le découvrons-nous ? Pas parce que le gouvernement ou les médecins l'ont révélé mais parce qu'un militaire de la Navy blessé il y a peu se voit recruté pour servir de compagnon à ce Roi des limbes dans ses plongées.

Le titre se veut de suite énigmatique et l'autrice joue entre cela et l'alternante avec un cadre hyper réaliste où quand nous suivons Adam dans sa rééducation et la découverte de la proposition de l'armée, on a l'impression que c'est possible. Cette SF d'anticipation crédible, moi, je l'adore ! Prendre le temps de découvrir le monde futuriste dans lequel Adam vit, un monde très proche du notre où rien ne diffère si ce n'est cette épidémie qui a eu lieu autrefois, ça me plaît. Je trouve terriblement attirant et déstabilisant en même temps, un peu en mode "et si ça nous arrivait, ce serait possible".

Pour cela, l'autrice joue à fond la carte du mystère. Elle nous met face à des autorités castratrices qui cachent tout et font tout en coulisses. Elle ne révèle que peu de choses sur ce qui s'est passé autrefois et qui a affecté aussi bien Adam que son futur coéquipier Winter, le roi des limbes. Et elle nous présente un monde à l'extérieur qui n'est au courant de rien et qui va subir ça bientôt de plein fouet. J'adore ce genre d'ambiance qui rappelle les grands films catastrophes américains.

En plus, son duo est tout trouvé avec Adam, cet ancien navy qui a perdu une jambe, dont le père est mort et qui s'occupe de ses jeunes frères et soeur, allant jusqu'à se sacrifier pour eux. C'est le pendant parfait du froid Winter, qui semble blasé de tout avec sa gueule de type mal réveillé, pas rasé et mal coiffé. Le premier est tout feu tout flamme. C'est le gros bras du duo. Le second semble plus posé, plus mystérieux, plus marqué aussi par la vie et il a des pouvoirs ! Ces pouvoirs extrasensoriels rappellent à fond ceux qu'on peut trouver dans les séries fantastiques japonaises et qu'ils appellent les ESP, comme dans Rain Man de Yukinobu Hoshino ou Please save my earth de Saki Hiwatari, et personnellement j'adore cela.