Guerre fratricide
Akimi Yoshida ne baisse pas en régime et continue de nous proposer un thriller haletant et dense dont la lecture est tout sauf reposante et remue bien des choses en nous.
Le virus est bien lâché à Tokyo où la situation va mal, mais ce n'est pas là-dessus que l'autrice va focaliser notre attention dans ce tome toujours aussi épais et riche à lire. Non, ce qui l'intéresse c'est ce duel qui oppose et attire inéluctablement les deux jumeaux et leurs familles, de coeur ou de sang. Tout est prétexte à tendre ces relations car le "père" des jumeaux a un plan pour eux et il compte bien le mettre en branle.
Parfois perdue dans les élucubrations des différentes parties sur les différents virus et armes bactériologiques utilisées par les différents camps, parfois perdues par les liens entre les différents camps et groupuscules qui apparaissent dans l'histoire, je suis néanmoins restée scotchée à l'histoire avec l'envie toujours plus grande de voir ce qu'il va advenir du destin de ces deux héros jumeaux qui tout rapproche et oppose. Le seul bémol que je tendrais à mettre à l'histoire et au travail général de l'autrice, c'est cette volonté, du moins dans ces deux oeuvres proches que sont Banana Fish et Yasha, à forcément dépeindre les États-Unis de manière sombre à travers la dénonciation d'exactions terribles, comme si les Japonais, eux-mêmes, étaient exempt de tels actes. Je surinterprète peut-être mais j'y vois ici un symptôme japonais anti-américain qui me dérange un peu.
Yasha est pour moi avant tout une série qui se tient grâce à la personnalité de ces personnages si bien écrits par l'autrice et auxquels elle donne encore une nouvelle profondeur ici. Elle montre dans ce tome une partie des origines des blessures et fêlures de Rin, ayant conduit à ce qu'il est aujourd'hui. Elle dévoile également un Sei toujours plus ambigu et ambivalent, prêt à tout pour ceux qu'il aime et même au pire pour lui, un personnage terrible et attachant, plein de nuances. Enfin, l'autrice dévoile une puissante richesse narrative dans les liens qu'elle forge entre les deux frères qui dépassent le cadre de leurs pouvoirs leur permettant d'interagir l'un avec l'autre et de percer à jour l'autre. C'est très beau et un brin dérangeant à la fois.
Elle donne ainsi une teinte très humaine à son thriller qui pourrait semblé en être dépourvu avec toutes ses questions d'expérimentation génétique et de recherche de la prochaine évolution de l'homme. La série peut avoir l'air froide. Elle est remplie d'hommes (oui surtout d'hommes) près à tout pour leurs ambitions et leurs désirs. On y parle beaucoup de mafia, de guerre, de conflit, de manipulation et bien peu d'amour. Mais justement quand celui-ci surgit au détour d'une page, il n'a que plus d'impact car il se fait rare et montre ainsi son importance, que ce soit pour un garde du corps qui a tout sacrifié pour celui qu'il protège, que ce soit un homme qui n'a jamais pu oublier son premier amour, que ce soit un garçon à qui on a brusquement enlevé sa mère, ou un autre qui n'a jamais connu l'amour maternel. On sent combien l'autrice retient ce sentiment chez ses personnages pour ensuite le faire éclater quand il se libère.
En bref
Alors ne soyez pas aveuglé uniquement par la dimension haletante et palpitante de ce récit de conflit gémellaire et familial très tendu sur fond de guerre virologique, regardez plus loin et voyez la force que l'autrice a mise dans l'âme de ses personnages, des personnages complexes qui marquent et laissent des traces. Akimi Yoshida est la reine du thriller mais elle est aussi une princesse prometteuse pour détricoter l'âme humaine, ce qu'elle parviendra ensuite à sublimer dans son tranche de vie Kamakura Diary. Lisez Akimi Yoshida, éditez Akimi Yoshida !
Positif
Une narration qui continue de se tendre
Une rivalité au sommet
Une dimension très humaniste à l'intérieur de ce thriller
Une histoire qui se tend autour de la famille de Sei et Rin
Un récit palpitant
Negatif
Des dessins toujours clivants
Des passages un peu lourds et longuets sur la guerre bactériologique, les histoires de mafia, etc
Un certain anti-américanisme primaire
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