Jusqu’où peut-on se perdre pour manger ?
Fabien a fait des études d’art. Le jour, il travaille à l’abattoir, dans cet univers impitoyable pour les bêtes et pour les hommes qui deviennent des zombis à force de côtoyer la mort, le sang et les viscères. Alors le soir, il invente des histoires incroyables avec sa fille qui a 5 ans déjà et croise sa compagne avant qu’elle entame ses gardes de nuit à l’hôpital public. Et puis, un jour, les histoires du soir viennent rencontrer la vie du jour. Regarder un cerf, rencontrer un cochon (magique?) avec un dessin de cœur, et si c’était un signe ? Le signe qu’il faut changer de vie, quitter ce travail qui n’a plus de sens. Fabien a gardé le goût du beau dans la vie et il ne tient qu’à lui de trouver le moyen de le refaire surgir.
Ceux qui me touchent est vraiment une très belle œuvre, par son questionnement sur des thèmes variés : comment peut-on faire ça pour manger ? Dans les deux sens, pour vivre, pour avoir un salaire et pour le consommateur, pour se nourrir de viande ? Comment cautionner ? Fermer les yeux ? Quel est le sens du travail quand on ne ressent plus que son avilissement ? Que faire de notre prétention au beau ? Et que faire de toute cette imagination d’enfance quand on grandit ? Il pose aussi la question de la frontière invisible avec la pauvreté et avec le handicap. Bref, des questions très humaines finalement et posées à hauteur d’homme, d’un parcours singulier. Le parcours de Fabien est finalement assez banal, un boulot qu’on déteste et la quasi impossibilité de faire autre chose parce que très vite, on n’a pas moyen de se rattraper autrement. Il y a plusieurs fins possibles à cette histoire, à nous de choisir.
Côté dessin, les planches ont toutes une couleur dominante et ça rend vraiment bien. Je ne saurai pas trop décrire les dessins de Laurent Bonneau mais c’est très beau, les personnages sont expressifs, ils font vrais, les cadrages et les plans sont souvent un peu de côté comme on passe un peu à côté de la vie à cause du quotidien. Parfois des tâches accompagnent le discours comme pour représenter la mise en forme petit à petit de l’imaginaire en narration, et parfois les tâches se métamorphosent en ombres l’air de rien. J’ai juste eu un peu de mal au début du livre avec la représentation de la petite fille qui ressemble un peu trop à une adulte à mon goût, mais dès qu’elle est dessinée en plan plus serré, ça va. Mention spéciale pour toutes les représentations d’animaux : les porcs comme les biches sont magnifiques.
Damien Marie et Laurent Bonneau livrent ici une œuvre magnifique qui parvient à sublimer des sujets existentiels : le sens du travail, de la vie, de l’imagination créatrice, de l’Art. Jusqu’où peut-on se perdre pour manger et comment se retrouver ? Une BD profondément humaine que je recommande chaleureusement et sans réserve !
En bref
Fabien a fait des études d’art. Le jour, il travaille à l’abattoir jusqu’à en devenir un zombi à force de côtoyer la mort, le sang et les odeurs de viscères. Alors le soir, il invente des histoires incroyables avec sa fille qui a 5 ans, des histoires de cerf, de cochons magiques, de princesse et de bâtons arc-en-ciel. Et puis, un jour, les histoires du soir viennent percuter la vie du jour. Et si c’était un signe ? Le signe qu’il faut changer de vie. Damien Marie et Laurent Bonneau livrent ici une œuvre magnifique qui parvient à sublimer des sujets existentiels : le sens du travail, de la vie, de l’imagination créatrice, de l’Art. Une BD profondément humaine que je recommande chaleureusement !
Positif
histoire très humaine
dessins magnifiques
questionnement riche
fin ouverte
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