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Critique de Rain

par Ben-Wawe le mer. 13 sept. 2023 Staff

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Un intense récit d’apocalypse climatique et de reconstruction personnelle, tout en finesse et à hauteur de femme - un coup de coeur, et un coup au coeur !

L’éditeur HiComics propose en ce mois de septembre 2023 une nouvelle œuvre publiée initialement chez Image Comics : Rain, de Joe Hill, Zoe Thorogood et David M. Booher, avec une belle édition, comprenant plusieurs bonus appréciables.
Immédiatement, le nom de Joe Hill attire au vu de sa popularité et de ses qualités, mais aussi de sa présence chez l’éditeur. En effet, HiComics propose déjà plusieurs comics de Joe Hill, notamment The Cape et l’immense succès Locke and Key.
Joe Hill, en vérité Joe Hillstrom King, fils du légendaire Stephen King, n’est cependant pas uniquement un scénariste de comics : il est un écrivain complet, signant également des romans, des nouvelles… et des novellas, comme celle liée à Rain.

Une novella est un roman très court, où tous les rebondissements sont liés à un événement principal. Joe Hill en produit un nombre important de récits courts, pas forcément à chute mais avec de très fortes ambiances, généralement dans le surnaturel et l’horreur ; dont plusieurs novellas.
En 2017, l’auteur publie en VO Strange Weather, recueil de quatre récits liés au dérèglement climatique ; la France le découvre en 2021 sous le nom Drôle de temps. L’une de ces quatre histoires est Rain, qui marque les esprits et inspire certains pour l’adapter.
En effet, les auteurs indépendants David M. Booher (qui a déjà livré le scénario de Canto) et Zoe Thorogood (qui a dessiné The Impending Blindness of Billie Scott) ont particulièrement accroché, et contacté Joe Hill pour transposer ces quelques pages en cinq épisodes de comics.
L’accord est passé, l’accompagnement est réalisé et voici une version parallèle, connexe, non pas améliorée mais différente d’une histoire forte.

Mais de quoi parle, cependant, Rain ?
Dans la ville de Boulder, Colorado, durant la présidence de Donald Trump, vit Honeysuckle Speck. Une jeune fille dure au mal, forte tête, qui assume son homosexualité malgré des parents réprobateurs et un environnement difficile. Pas de violence par ses voisins, mais des petites piques, des incompréhensions.
Honeysuckle est heureuse, cependant ; car elle est amoureuse, et aimée. Mieux encore, sa compagne Yolanda Rusted vient s’installer chez elle, avec l’accord de ses parents. Ce couple afro-américain aisé accepte autant Yolanda qu’Honeysuckle, le père se voyant même comme un « papa de la 2e chance » pour elle. Tout va bien, d’autant qu’elles adorent Templeton Blake, le petit voisin sympathique, même s’il est cantonné chez lui du fait d’une maladie de peau. Sa mère Urusula tente de gérer le suicide récent de son mari, chimiste qui n’a pas supporté la délocalisation de l’entreprise en Europe de l’Est.
Tout va bien… mais tout va changer. Soudain, les nuages s’accumulent en cette chaude journée d’août – et il pleut. Mais il ne pleut pas de l’eau : il pleut des aiguilles, des aiguilles de cristal particulièrement acérées, résistantes, tranchantes… et mortelles. Les dégâts sont terribles, apocalyptiques. Les cadavres jonchent les rues. Les gens sont terrifiés. Le Président Trump cherche un coupable, quelqu’un à frapper.
Honeysuckle, elle, est confrontée au pire ; à l’horreur, aux pertes, aux drames les plus absolus… mais elle doit et veut survivre. Elle veut accomplir une dernière mission, retrouver quelqu’un ; et aider Templeton, qui l’accompagne par surprise. Elle fera plusieurs rencontres, une positive avec l’étonnant Marc Despot, d’autres plus difficiles, avec des bigots et des déments, comme l’Eglise du Septième Christ Dimensionnel. Avant, hélas, d’en apprendre plus sur la pluie elle-même… et la folie d’une âme en proie à la tristesse et à la colère.

On le comprend, Rain se présente pleinement comme un récit lié aux grandes thématiques de Joe Hill. L’on y retrouve de l’horreur physique, avec des scènes graphiques brutales suite aux pluies, mais aussi de l’horreur psychologique, avec des êtres qui révèlent les recoins sombres de leurs cœurs. Il y a également une interrogation de la famille, notamment celle que l’on subit, celle que l’on choisit, celle que l’on veut défendre.
Enfin, il y a bien sûr un versant politique, avec notamment ces piques claires envers Donald Trump, dont les réactions ici provoquent un nouveau chaos. Joe Hill confirme d’ailleurs dans son introduction qu’il a réalisé ce recueil de novellas en réaction aux climato-sceptiques, et notamment au Président américain de l’époque.

Le lecteur de Joe Hill ne sera ainsi pas perdu ici, et le tout se révèle particulièrement prenant et réussi. Même s’il ne signe pas le scénario de ce tome, l’on retrouve l’approche et surtout le rythme de l’auteur, ce qui est fort agréable.
L’ensemble est d’ailleurs particulièrement prenant et efficace. Le récit est complètement à hauteur non pas d’homme mais de femme, ici Honeysuckle qui est de toutes les scènes, et dont la voix-off rythme la lecture. Chaque passage est particulièrement bien écrit, avec une très bonne gestion de l’émotion.

Cette émotion est au cœur de l’intrigue, et les auteurs en font plus qu’un thème, mais bien un sujet principal. Rain n’est pas pleinement un récit post-apocalyptique, car la société n’est pas clairement effondrée ; mais Honeysuckle l’est, elle. L’on suit ainsi une femme qui arrivait enfin à un moment où elle pouvait souffler, se relâcher, apprécier, être heureuse… et où le sort s’acharne, et la remet plus bas que terre.
Rain est un récit de renaissance, de reconstruction, de pardon aussi, dans ce complexe du survivant si difficile à exprimer et à illustrer, mais si efficacement rendu ici. Notamment parce que les auteurs bénéficient d’une galerie de personnages particulièrement pertinents et agréables, avec notamment un twist final troublant, peut-être grandiloquent mais pleinement efficace dans l’impact émotionnel.

Tout le tome se dévore avec plaisir, mais aussi inquiétude envers des personnages qui ne sont pas épargnés. S’ils demeurent souvent souriants, ils subissent bien souvent le pire aussi, et la résilience est clairement l’un des thèmes de Rain.
Le fait que l’histoire ne verse ni dans le trop désespéré, ni dans le trop enthousiaste est également positif, car cela paraît tout simplement crédible et finalement inspirant, de voir que ces héros parviennent à survivre malgré tout, et sans trop paraître invincibles.

David M. Booher réutilise ainsi habilement l’histoire de Joe Hill, et Zoe Thorogood l’illustre avec un style particulier mais lui aussi pertinent.
Certes, l’approche est spécifique, elle n’est pas « grand public ». Les corps sont peu spéciaux, voire déformés. Les visages ne sont pas « beaux » en soi, et les décors sont parfois un peu absents.
Ce n’est cependant pas grand-chose, face à la réussite d’un dessin qui fait réellement passer l’émotion, la douleur, le soulagement, la puissance des retrouvailles, le choc des révélations. Les planches ne sont pas « belles », mais elles sont fortes, elles forment une ambiance extrêmement prenante, tantôt anxiogène, tantôt réjouissante.
Un dessin particulier, pour une histoire particulière, en définitive.

En bref

Rain est une belle et forte adaptation d’une novella déjà intense de Joe Hill. Les auteurs font un travail pertinent de reprise, pour former des épisodes prenants. Ce récit d’apocalypse climatique se concentre sur l’émotion des « petits gens » qui doivent subir tout ceci, et c’est une approche particulièrement efficace et réussie. L’ensemble créé une atmosphère et une émotion extrêmement touchantes, qui ne laissent pas insensibles après lecture. Un coup de cœur, mais aussi un coup au cœur.

8
Positif

Un formidable récit d’émotion et de survie de personnages attachants et crédibles.

Un contexte d’apocalypse climatique pertinent et terrifiant.

Un souffle, une atmosphère qui provoquent une émotion intense, particulièrement prenante et troublante.

Negatif

Un dessin qui créé une belle ambiance, mais peut gêner par moments.

Quelques déséquilibres dans les personnages, notamment les illuminés dont on interroge un peu l’intérêt.

Un twist final surprenant, troublant, marquant, mais qui peut diviser après coup.

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