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Critique de L'Ombre des Lumières #1

par MassLunar le jeu. 12 oct. 2023 Staff

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De bien viles correspondances

Durant le siècle des lumières, il y avait une ombre et cette ombre était connue sous le nom du Chevalier de Saint Sauveur, un nom totalement en désaccord avec le caractère manipulateur , égoiste et franchement vil de celui qui le porte. 

Voici la nouvelle bd d'Alain Ayrolles ( De capes et de crocs, Les Indes Fourbes) au scénario et de Richard Guérineau (Le chant des Stryges ) au dessin, et quelle bd ! Le début d'un sinistre voyage tout en correspondances et lettres soutenues dans une galerie digne de la Comédie humaine !

En 1745, alors que la France "s'illumine" sous les pensées philosophiques, voilà que ce vilain faquin de Saint-Sauveur vient détruire le coeur d'une pauvre femme dans un mauvais jeu digne des Liaisons Dangereuses.

En 1753, nous retrouvons le chevalier de mauvais augure, le sinistre Saini-Sauveur qui cherche à tout prix à rentrer dans la cour de Versailles et à gagner toujours plus de pouvoir et de classe. Mais la quête du vice peut très bien vite basculer et le chevalier aura fort à faire pour éviter de chuter de son piédestal.

Passionant, délicat et délectable, la nouvelle série d'Alain Ayrolles nous propulse au coeur du XVIII ème siècle dans un récit qui s'apparente étroitement aux Liaisons Dangereuses de Choderlos de Laclos avec une première partie où une femme subit les menaces d'un certain chevalier de Saint-Sauveur, un être vil bien décidé à la séduire pour le plaisir du jeu. Une entrée en matière qui ravira celles et ceux qui apprécient les répliques soutenues d'Alain Ayrolles qui maitrise l'art d'une certaine prose soutenue mais aérienne, jamais lourde et prenante. Encore une fois, son écriture fait mouche et elle est relevée dans ce début de série grâce à un style narratif qui se fonde entièrement sur des correspondances. 

Chaque chapitre est une lettre. C'est une bd épistolaire qui est superbement animée par le dessin de Richard Guérineau. Le dessinateur du Chant des Stryges reconstruit un peu un univers comme les  Indes Fourbes .Il fait preuve d'un style colorée et trépidant avec un chara-design expressif. Son association avec les répliques et le style soutenu d'Alain Ayrolle nous donne l'impression d'assister à une remarquable représentation théatrale où les unités de lieux et de personnages changent régulièrement. 

Ce premier tome est en soi une remarquable partition narratif et graphique. Certes, on peut peut-être reprocher à cet album, au niveau du style , de vouloir trop s'apparenter aux Indes Fourbes. IL est évident que les éditions Delcourt ont voulu concocter un titre de la même trempe pour cette fin d'année. Ainsi, en tête d'affiche, on retrouvera un nouvel antihéros des plus fascinants mais au caractère moins nuancé que l'impayable Don Pablos de Ségovie avec ce mystérieux Chevalier de Saint-Sauveur qui apparait comme un personnage détestable et profondément individualiste, un libertin dans la droite lignée de Don Juan ou du Vicomte de Valmont qui se démarque par sa soif de pouvoir et son absence d'empathie. 

C'est un personnage détestable mais dont on prend plaisir à suivre le parcours mouvementé dans ce premier tome divisée en deux parties. Autour du chevalier,  on distingue toute une galerie de portraits accrocheurs  : son serviteur, un valet obéissant aux ordres mais qui ne peut s'empêcher de se questionner sur le bon fondement de la serviture, une aristocrate vicelarde façon Marquise de Merteuil, un indien pris au piège, un passionné de duels... Ses personnages occupent une place parfois satirique dans l'oeuvre et reflètent aussi cet esprit des lumières comme les questionnements du valet du chevalier qui se lie d'amitié avec l'améridien. 

Ce premier tome de L'ombre des Lumières est donc un début de série qui donne une bel image d'ampleur à ce siècle contrastée des lumières où vient se côtoyer philosophie, salon, monarchie absolue et début de révolution , colonisation en Nouvelle-France, un terrain de jeu idéal pour le duo Ayrolles/Guérineau. 

En bref

Porté par un style narratif habile mêlant répliques et narration épistolaire, ce premier tome de L' ombre des Lumières est une passionnante immersion dans la France du XVIIIème. Le tandem Alain Ayrolles et Richard Guérinau offre un début de série tout en panache, satirique et vivante sur la vie riche en vices du chevalier de Saint-Sauveur, un être qu'on adore détester.

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Positif

Une narration habile et soutenue qui va entremêler avec suffisamment de lisibilité le style épistolaire et la narration bd

Dans la droite lignée des Indes Fourbes, une bd historique menée par un marquant antihéros et porté par un style graphique efficace, très colorée tout en panache

Le reflet satirique et contrastée du siècle des Lumières, un hommage à des oeuvres tels que Les Liaisons dangereuses

Un bel objet-livre joliment édité par Delcourt et qui affiche aussi une édition noir et blanc de qualité.

Negatif

Un rendu qui renvoie un peu à l'univers des Indes Fourbes

Une double-narration qui nécessite une lecture plus assidue.

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