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Critique de Stillwater #3

par Ben-Wawe le mer. 18 oct. 2023 Staff

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Un final réussi dans l’idée et sa dernière page, mais une exécution maladroite

Delcourt propose le troisième et dernier tome de la série Stillwater, éditée initialement chez Image Comics et menée par Chip Zdarsky (scénario) et Ramon K. Pérez (dessins).
L’ensemble est publié en moins d’un an et demi, ce qui est très agréable pour le public français qui bénéficie en plus des habitudes de Delcourt, qui livre des éditions soignées et avec quelques bonus. Bien qu’un résumé des épisodes passés, en prélude, serait le bienvenu.

Les lecteurs ont pu découvrir dans le premier (cliquer ici pour la critique) et le deuxième tome (cliquer ici pour la critique) l’étonnante histoire de la petite ville américaine de Stillwater. Celle-ci, perdue et oubliée, est visitée par Daniel, un jeune adulte au tempérament volcanique, qui découvre qu’il vient d’ici… et qu’il en a été exfiltré par sa mère, jadis.
Et pour cause : Stillwater subit un sort troublant – personne n’y meurt depuis quasiment quarante ans !
Les blessures guérissent immédiatement, les morts reviennent… et personne ne vieillit, surtout. C’est pour éviter que Daniel reste éternellement un bébé que sa mère l’a évacué, à la fin des années 80, et il est désormais rappelé. Notamment pour aider certains habitants à renverser le régime brutal du Juge, qui impose son autorité et interdit de partir.
Les rebondissements se succèdent alors, menant à ce que Galen, coincé dans un corps d’enfant depuis des décennies, prenne le pouvoir, avec l’aide d’anciens Marines appelés par le shérif. Un nouveau régime agressif s’impose, avec des mises à mort à l’extérieur des frontières…

Stillwater Tome 3 a ainsi la lourde charge d’achever cette histoire, avec les six derniers épisodes de la série et un numéro spécial.
Le lecteur voit ainsi plusieurs révélations, notamment l’explication de la fin du deuxième tome : Daniel survit à une mise à mort à l’extérieur de la ville… car ses proches ont modifié la carte, à l’Hôtel de Ville. Le sort qui touche Stillwater est donc lié aux frontières de la ville. Daniel et les siens s’enfuient, Galen et ses troupes conquièrent une ville voisine – mais les conflits demeurent.
Daniel vit une illumination et revient pour changer la ville « dans les cœurs et les esprits », mais sa non-violence est mal reçue. Surtout, l’on apprend enfin l’origine du sort qui touche Stillwater ; une situation déchirante, terrible, qui remonte… à la Guerre de Sécession, et est liée à un personnage déjà croisé.
La série s’achève sur une résolution du conflit humain, et une tentative de faire cesser le sort… pour une dernière page autant poétique que terrible.

Chip Zdarsky donne beaucoup, dans le scénario de ce troisième et dernier tome. Le lecteur peut être rassuré, et même contenté : tout est expliqué.
Les mystères s’évaporent devant des réponses, qui ont du sens dans le contexte et fonctionnent en soi. La raison du secret de Stillwater n’est pas foncièrement originale, mais est bien amenée et surtout se glisse bien dans tout le propos de l’indépendance, l’autonomie humaine. Face aux contraintes, face à autrui, face à soi-même. En ce sens, la résolution du conflit entre Galen et Daniel est forte et émouvante, qui trouble mais caractérise très bien ses personnages.
De même, la fin est certes ouverte, mais elle est « finale » : on entrevoit difficilement une suite, notamment parce que la dernière page est particulièrement belle et réussie. Déchirante, en un sens, mais très poétique et très porteuse. Un très beau et bon moment.

Dommage, cependant, que tout le tome ne soit pas sur cette ligne.
En effet, les événements se révèlent particulièrement maladroits, ou mal amenés. La lecture est plutôt poussive, car le lecteur alterne longs dialogues de personnages blasés et usés, avec un focus sur Dieu qui jusque-là n’était pas autant convoqué, et grosses scènes de bagarre qui deviennent lassantes. Notamment les pages de la Guerre de Sécession, qui sont rappelées par la bataille finale : le parallèle est légitime et voulu, mais cela dure trop, et devient là aussi usant.
Surtout, les personnages deviennent un peu vains. Daniel a un changement de philosophie intéressant, mais trop extrême, sans qu’on ait pu voir son cheminement. Il devient un peu désagréable à suivre, dans son pacifisme obtus. Galen est bien écrit, mais accompagné de personnages interchangeables, hormis Kreggs, le chef des ex-Marines qui devient un méchant ; bête et bourrin.

Enfin, l’on peut aussi un peu interroger quelques détails. La raison de la suspension du sort touchant Stillwater entre la Guerre de Sécession et les années 80 est assez obscure (ce qui arrive à un personnage a cet effet ? vraiment ? pourquoi ?).
Et, surtout, le sort lui-même évoquait l’immortalité… alors que les personnages ne sont pas juste immortels. Ils ne vieillissent pas. Ils sont dans l’inertie, comme c’est évoqué ; mais sans qu’une raison à ce changement soit avancée.

Un scénario qui livre tout ce qu’il promet, même si la manière n’est pas idéale… et un dessin qui suit cette ligne, aussi.
Ramon K. Pérez livre une prestation correcte, dans un style un peu flou, un peu nerveux, un peu « sale » qui fonctionne bien avec l’ambiance. Cependant, il réalise à certains moments des planches superbes, notamment la dernière ; mais peut aussi proposer des dessins trop chaotiques ou lassants. Ses batailles sont particulièrement difficiles à suivre, par exemple.
Une prestation mi-figue, mi-raison, cohérente avec le scénario.

En bref

Le troisième et dernier tome de Stillwater conclue l’histoire, en expliquant les histoires et donne une « vraie fin » à l’ensemble. Les réponses ne sont pas très originales, mais fonctionnent bien et permettent une conclusion poétique et déchirante. Dommage que les épisodes qui y mènent soient maladroits, et rendent la lecture un peu poussive.

6
Positif

La résolution complète des mystères.

Une conclusion poétique et déchirante.

Un beau propos sur l’indépendance et l’autonomie envers autrui.

Negatif

Des rebondissements poussifs.

Une narration maladroite, notamment sur l’évolution des personnages.

Un graphisme irrégulier.

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