Neige, verre et pommes...

Snow, Glass, Apples est à l'origine une nouvelle de Neil Gaiman qui a d'abord été publiée en 1994 en tant que petit bouquin dont les bénéfices ont été reversés à l'organisation à but non lucratif du Comic Book Legal Defense Fund avant d'être rééditée dans deux anthologies, la deuxième étant le recueil Miroirs et Fumée de Gaiman. C'est dans les pages de ce livre que j'ai découvert cette courte histoire de 16 pages qui propose une troublante relecture de Blanche-Neige en inversant les rôles puisqu'ici la Reine n'est pas maléfique et que la princesse à la peau blanche comme la neige est une créature vampirique.

Neil Gaiman a d'abord adapté son récit en 2012 sous la forme d'un drame audio puis en comic-book en 2019 chez Dark Horse. L'auteur s'est associé à une collaboratrice régulière, Colleen Doran, pour mettre ses mots en images et le résultat est tout simplement somptueux. Grande admiratrice de l'illustrateur et peintre-verrier irlandais Harry Clarke, Colleen Doran a choisi de lui rendre hommage en s'inspirant de son style pour les planches de l'album pour lequel elle a également signé l'encrage et les couleurs (avec l'assistance de Val Trullinger pour les à-plats). 

La version bande dessinée de Snow, Glass, Apples, retitrée Blanche-Neige, Rouge Sang - Chronique Vampirique (un peu long tout de même) par l'éditeur Black River, reste très fidèle au texte, à son atmosphère mystérieuse, à son érotisme et sa poésie macabre. Neil Gaiman a repris les éléments bien connus d'une histoire intemporelle en les détournant intelligemment pour livrer un conte horrifique aussi beau que lugubre. J'ai aimé la lecture de la nouvelle et je l'apprécie encore plus avec les superbes pages de Colleen Doran. 

Colleen Doran a soigné les plus petits détails des décors (avec notamment ces vitraux caractéristiques d'Harry Clarke) et des costumes aux magnifiques drapés sans perdre l'expressivité des personnages. À quelques exceptions près, la dessinatrice a limité l'utilisation des cases pour des compositions fluides, minutieusement travaillées. Jusqu'au bout, le point de vue restera celui de la Reine, Blanche-Neige ne prononçant qu'une seule phrase, trois mots simples qui décrivent tout ce qu'il y a à savoir sur un monstre au visage d'ange et à la présence hypnotique qui n'a pas besoin de plus pour exercer une influence néfaste sur son entourage. 

Colleen Doran revient sur son travail dans un carnet d'illustrations très complet disponible en fin de volume...études de personnages, croquis, pages à différents stades de productions et notes intéressantes de l'artiste pour compléter joliment la lecture de cette chronique vampirique.