Inexistences ou quand survivre devient la seule motivation sur un monde désolé

Christophe Bec revient avec une nouvelle histoire de science-fiction mais dans un format très particulier à plusieurs titres. D’abord le format physique de l’album en 255x340, plus grand que la moyenne habituelle, et sur les pages dont certaines se déplient afin d’offrir un magnifique panorama. Ensuite, il y a la narration, avec cinq chapitres autour d’un même univers, deux sont écrits comme des albums illustrés, un comme une nouvelle et deux comme des bandes dessinées. Chacun va, dans une même époque, apporter une pierre à une histoire plus globale.

Le concept, l’idée est très originale. L’auteur a utilisé différents modes de narration qu’il a compilés sur un seul et même album. Il a écrit sous la forme qui lui semblait la plus pertinente pour chacun des chapitres. Les deux premiers chapitres permettent de découvrir l’univers que l’on voit défiler sous nos yeux. Un monde froid, désertique, sur lequel la vie a laissé place à la survie. Une Terre dévastée sur laquelle il reste une poignée d’humains se contentant désespérément d’être vivants le lendemain. Le troisième chapitre, sous format BD, se centre sur un personnage qui va aller chercher des réponses autour d’un lieu légendaire et inaccessible. Le chapitre quatre propose une nouvelle qui raconte l’histoire d’un homme et d’un étrange artefact. Le dernier chapitre est une ode à la Terre et la vie qu’elle abritait, et une conclusion poignante aux débats actuels sur l’écologie et l’orientation que l’Homme est train de prendre pour la planète qui l’accueille depuis tellement d’années…

Côté dessins, là-aussi l’auteur a apporté un savant mélange avec des planches à l’aquarelle, d’autres sous en couleurs classiques ou encore certaines en noir et blanc. Il l’a fait en fonction de ses envies, ou la technique qui paraissait la plus en adéquation avec ce qu’il voulait dessiner. On trouve ainsi de superbes planches avec un jeu de couleurs varié sur des tons plutôt froids pour coller aux températures basses. On trouve également quelques tableaux en 2 ou 4 pages qui rendent hommage à l’immensité des paysages. Son travail permet une excellence immersion dans cet univers post-apocalyptique dans lequel évoluent les personnages.

L’auteur a su nous offrir une vision, sa vision d’une planète à l’agonie à cause de l’Homme qui n’a pas su, n’a pas pu, n’a pas voulu arrêter ses excès aux lourdes conséquences. Il nous décrit un possible monde sur lequel vivre n’est plus un plaisir mais un effort difficile, sans joie, sans but que celui de rester vivant un peu plus longtemps. Pour toucher son lectorat, il varie les supports, les approches artistiques en jouant sur les techniques d’écritures et de dessins et c’est un petit cocktail qui peut surprendre mais qui est particulièrement bien maîtrisé et l’auteur réussit un joli pari. On voyage, par ses tableaux graphiques, à travers son histoire vers un futur possible dont nous espérons n’être jamais les acteurs principaux.