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Critique de Colette : Mémoires d'une maison close

par Pois0n le dim. 31 mars 2024 Staff

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Maison close à cœur ouvert

Après les dessous d'une maison close japonaise dans « Sakuran », Moyoco Anno s'empare à nouveau du sujet, mais cette fois en plein Paris. Encore que l'on ne verra pas grand-chose de la capitale, les filles ne sortant pas beaucoup... mais on a quand même droit à un peu de décor, notamment via certains flash-backs (moi aussi, j'aime désormais les plafonds, tellement « celui-là » est beau).

Initialement parue en deux tomes, la série nous arrive sous la forme d'une énorme intégrale grand format... et quand je dis énorme, je ne déconne pas, le truc est une BRIQUE, plus lourd qu'un annuaire. Au moins, on ne risque pas de déplorer une quelconque transparence du papier tant celui-ci est épais (coucou, la réédition d'Aria, on te parle !), mais dire que la lecture est inconfortable est un euphémisme, entre s'écraser l'estomac avec ou se luxer les poignets, mon cœur balance...

... Celui de Colette, de cœur, bat lui pour Léon, beau gosse, un peu voyou, et qui surtout la mène totalement en bateau. C'est la seule constante que l'on retiendra de leur relation car, plus l'on avance dans la seconde partie, plus l'on comprend que Colette n'est pas un narrateur fiable et que le récit que l'on lit de sa plume contient autant de vérité que de fiction, sans en définir très bien les contours. On lit même, en toutes lettres, le remaniement en direct de l'histoire.

C'est là que Moyoco Anno m'a totalement perdu, en fait. Car il faut en plus ajouter à ces tranches-de-vie de la maison close des flash-backs venant déjà casser la linéarité de l'histoire... En revanche, on ne s'étonnera pas trop du choix d'absence de fin, qui vient encore brouiller un peu plus les cartes. En comparaison, « Sakuran » non plus n'en possédait pas (en tout cas, dans la première édition, celle que j'ai), mais possédait une narration constante, linéaire. Bilan : le récit entier se retrouve pris, comme mentionné dans les toutes premières pages, dans une sorte de brouillard. Comme Carmen, Colette, à son tour, ne fait plus distinction entre fantasme et réalité... et nous avec.

Mais pourquoi est-ce si perturbant ? Parce que l'on a réussi à oublier que Colette et ses collègues/copines, si attachantes, sont *des personnages*. Le côté autobiographie fictive fonctionne à merveille et l'immersion est donc totale, d'autant que le côté huis-clos et routinier aide à prendre rapidement ses repères.

En tout cas, les réflexions parsemées dans le récit (sur la nature des fantasmes, la notion de perversité et d'acceptation de ses désirs...) n'ont rien d'hasardeux et préparent lentement le terrain pour cette conclusion floue, se rapportant moins aux clients les amenant qu'au cheminement de l'héroïne.

Les clients d'ailleurs, tout aussi originaux qu'ils soient, ne sont jamais présentés sous un jour négatif, aussi spéciales leurs requêtes puissent-elles être. Comme à Vegas, ce qui se passe à la maison close reste à la maison close, un monde à part où la nudité de l'âme côtoie celle des corps.

En bref

S'il ne parvient pas à égaler Sakuran, Colette - mémoires d'une maison close possède surtout une noirceur plus insidieuse et une dimension plus complexe. Mais le choix d'une narratrice non fiable pourra diviser...

7
Positif

Les personnages, tous travaillés

Les expressions des visages

Beauuuuucoup plus profond que ça n'en a l'air

Negatif

La narration hachée (présent-flashback) PLUS le narrateur non fiable, ça n'aide vraiment pas à suivre

Le côté "crayonné du trait", on aime ou pas

L'absence de fin peut faire grincer

LE POIDS DU BOUQUIN (vraiment, un gros format comme ça n'était absolument pas nécessaire)

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